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Le projet de loi Sapin 2, présenté le 30 mars dernier en Conseil des ministres vise à améliorer la transparence et la lutte contre la corruption. Il sera prochainement débattu à l'Assemblée nationale et devrait faire l'objet de plusieurs amendements relatifs au vote des salaires des dirigeants, à la publication du reporting "pays par pays", et à l'intégration d'une mesure de transaction pénale.
Vote des salaires des dirigeants
L'affaire de la rémunération de Carlos Ghosn devrait avoir des conséquences directes sur la loi Sapin 2. La non prise en compte par le conseil d'administration de Renault du vote des actionnaires s'opposant au montant de la rémunération de son P-DG a déjà poussé le Président de la République et le 1er ministre a encouragé une mesure législative pour éviter ces pratiques.
Conséquence directe, Sébastien Denaja, député PS et rapporteur du projet de loi Sapin 2 vient de déposer des amendements visant à rendre contraignant le vote de l'assemblée générale des actionnaires sur la rémunération du dirigeant.
Michel Sapin, le ministre des finances s'est dit favorable à cette idée. Selon l'amendement déposé, si le conseil d'administration ne tient pas compte du vote de l'assemblée générale, le juge du tribunal de commerce serait compétent pour trancher le litige.
D'autres amendements à ce sujet pourraient voir le jour notamment pour instaurer une rémunération plafond pour les dirigeants. Les signataires de "l'appel des 40 au CAC 40" réclament notamment une limitation à 100 fois le SMIC.
Le reporting "pays par pays" va-t-il devenir public ?
Afin de lutter contre les pratiques d'optimisation fiscale agressives des grandes entreprises présentes sur son territoire, l'article 121 de la loi de finances pour 2016 a créé l'obligation pour les groupes établis en France réalisant un chiffre d'affaires consolidé supérieur à 750 millions €, de transmettre un reporting "pays par pays".
Adopté conformément aux recommandations de l'OCDE, ce reporting consiste à transmettre chaque année à l'administration fiscale une déclaration reprenant plusieurs agrégats (chiffre d'affaires, nombre de salariés, effectif , bénéfice, impôt sur les bénéfices etc.) avec une répartition pays par pays.
Lors des débats sur la LF 2016, le Gouvernement s'était opposé à un amendement prévoyant de rendre public ce reporting. Le ministère des finances craignait en effet par cette mesure une perte de compétitivité des grandes entreprises françaises. Le Gouvernement conditionnait jusqu'ici l'instauration d'une telle mesure à une adoption commune au niveau de l'Union européenne. Une directive à ce sujet est actuellement en discussion mais son adoption effective est encore incertaine.
Selon le quotidien Les Echos, les députés PS seraient actuellement en pleines tractations avec le ministère des finances pour intégrer le reporting public dans la loi Sapin 2.
La transaction pénale
Une mesure de transaction pénale devait à l'origine être intégrée dans la loi Sapin 2. Officiellement appelée "convention de compensation d'intérêt public (CCIP)", la transaction pénale devait permettre aux entreprises coupables de corruption, de payer une amende au lieu d'être sanctionnée d'une condamnation pénale.
Michel Sapin avait renoncé au dernier moment à intégrer ce dispositif en raison de l'avis défavorable du Conseil d'Etat. De manière générale, la transaction est contraire à la tradition juridique française. D'autres pays comme les Etats-Unis ont déjà adopté un dispositif analogue avec à la clé, de grosses amendes prononcées y compris contre des entreprises françaises (Technip, Total, BNP Paribas etc.). A l'inverse, ces 15 dernières années, la justice française n'a prononcé aucune condamnation pour corruption d'agents publics étrangers.
Face à ce constat, la députée PS, Karine Berger, a déposé un amendement à la loi Sapin 2 permettant de réintégrer la transaction pénale. L'amendement prévoit une réparation financière auprès du Trésor public pouvant atteindre jusqu'à 30% du chiffre d'affaires. Afin de répondre aux critiques du Conseil d'Etat, le dispositif ne serait applicable qu'aux cas de corruption internationale et une compensation pour les victimes serait prévue.