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La Cour des comptes vient de rendre public un référé qu'elle a communiqué au ministre des finances le 21 juin dernier sur la gestion de l'impôt et des régimes fiscaux dérogatoires en Corse. Dans le cadre d'une enquête, la Cour juge un certain nombre de dispositions obsolètes et parfois contraires au droit européen.
De nombreuses dispositions obsolètes et sans fondement légal
Bien que soumise pour l'essentiel à la même règlementation fiscale que dans la France continentale, la Corse bénéficie de nombreuses spécificités fiscales héritées de son histoire. Ces dispositifs, dont l'existence peut être largement contestée aujourd'hui, n'ont jusqu'ici jamais été remis en cause par les Gouvernements en place. Cette situation s'explique notamment par la faible perte globale générée par ces dérogations (78 millions €).
Néanmoins, en s'appuyant sur une approche légale et non politique, la Cour des comptes a souligné dans une étude dédiée à cette Région de nombreux dispositifs dérogatoires dépourvus de toute base légale. Elle cite notamment :
- le régime de la fiscalité indirecte sur les alcools (selon un "décret impérial" de 1811)
- l'exonération de TVA des ventes de vins corses consommés sur place depuis 1968
- l'exonération de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers
- la non conformité à la législation européenne du régime fiscal local des tabacs
Le rapport de la Cour souligne de plus, des carences en matière d'établissement, de recouvrement et de contrôle de l'impôt, à cause notamment du faible taux de respect des obligations déclaratives en comparaison des moyennes nationales (95ème et 96ème place du classement par département des 2 départements corses entre 2010 et 2014 pour les déclarations des entreprises). Le taux de recouvrement des créances fiscales est également l'un des plus faible parmi les départements français. La Cour des comptes dresse ainsi le constat suivant : "l'ensemble de la chaîne de gestion fiscale, depuis l'assiette jusqu'au recouvrement, y apparaît dégradée"
Cette situation s'explique notamment par la spécificité du tissu économique corse composé de nombreuses PME et micro-entreprises aux activités très saisonnières (loisirs, tourisme).
Les 6 recommandations de la Cour des comptes
Afin de mettre un terme à cette situation, la Cour préconise la suppression des dispositions contraires aux principes de légalité et d'égalité devant l'impôt, et l'application stricte par l'administration fiscale des règles et procédures fiscales en vigueur. Elle formule en ce sens 6 recommandations.
Extrait référé de la Cour des comptes du 21 juin 2016, page
Elle formule les recommandations suivantes :
Recommandation n° 1 : appliquer la TVA sur les vins produits et consommés en Corse conformément à la loi et la réglementation européenne dès 2017 (recette de 49,5 M€ pour le budget de l'État) ;
Recommandation n° 2 : aligner, au plus tard au 1er janvier 2017, les droits d'accise sur les tabacs sur ceux appliqués en France continentale, conformément aux dispositions de la directive européenne du 16 février 2010 (recette évaluée à 27 M€) ;
Recommandation n° 3 : appliquer en Corse la taxe spéciale sur certains véhicules routiers dès 2017 (recette de 0,6 M€) ;
Recommandation n° 4 : mettre en œuvre en Corse, dès 2017, l'ensemble de la réglementation fiscale sur les alcools et les métaux précieux applicable en France continentale ;
Recommandation n° 5 : appliquer strictement aux particuliers et professionnels les pénalités pour non-respect de leurs obligations déclaratives et en cas de retard de paiement des dettes fiscales ;
Recommandation n° 6 : engager les actions nécessaires pour parvenir à l'horizon de trois années à un taux de contrôle fiscal externe en Corse équivalent à celui atteint dans le reste de la France.
L'ensemble de l'enquête de la Cour des comptes est disponible sur le lien suivant : http://www.ccomptes.fr/Accueil/Publications/Publications/La-gestion-de-l-impot-et-les-regimes-fiscaux-derogatoires-en-Corse