Cet article a été publié il y a 7 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.
La Commission européenne a adopté le 21 décembre dernier une proposition de directive du Conseil de l'Union européenne qui permet aux Etats membres d'adopter le principe général d'autoliquidation de la TVA pour les livraisons de biens et les prestations de services. Cette proposition de directive a été directement transmise à l'Assemblée nationale et au Sénat le 12 janvier dernier.
La généralisation de l'autoliquidation de la TVA
Cette proposition de directive pourrait avoir des répercussions importantes sur de nombreuses entreprises. À l'image de ce qui existe depuis 1993 pour les acquisitions intracommunautaires et depuis peu pour les importations, la proposition de directive adoptée par la Commission européenne propose de généraliser de manière temporaire le principe d'autoliquidation à toutes les opérations internes entre assujettis réalisées dans les États membres qui dépasseraient un certain seuil. Le seuil adopté est fixé à 10.000 € par facture.
Ainsi, si la France choisissait de mettre en oeuvre le mécanisme d’autoliquidation généralisé (MALG), les fournisseurs et prestataires français devraient transmettre à leurs clients français, une facture sans TVA à condition que le montant de cette facture n'excède pas 10.000 €. Il appartiendrait aux clients d'autoliquider la TVA au taux normalement applicable pour le bien ou la prestation concernée. L'avantage serait double. Les États membres réduiraient grâce à ce mécanisme les risques de fraude à la TVA (cas des entreprises éphémères qui ne reversent pas la TVA sur leurs ventes à l'État), et les entreprises bénéficieraient d'un avantage non négligeable en termes de trésorerie (fin de l'avance de TVA sur les achats).
Ce mécanisme existe déjà en France pour l'acquisition de déchets (depuis 2008), pour certains services électroniques (depuis avril 2012) et pour la sous-traitance de BTP (depuis 2014). Une directive permet déjà aux États membres d'adopter un régime d'autoliquidation dans leur législation sur des secteurs bien spécifiés lorsqu'ils constatent une fraude massive à la TVA. La proposition de directive va plus loin en proposant une généralisation de ce mécanisme à tous les secteurs.
L'instauration du MALG n'est pourtant pas l'objectif premier des Institutions européennes. Elles souhaitent en effet créer un espace de TVA unique qui reposera sur le principe de l’imposition dans le pays de destination des biens (le «principe de la destination») alors que le système existant est fondé sur l’exonération des livraisons de biens dans l’État membre de départ pour les opérations transfrontalières.
Compte tenu de l'ampleur que provoquerait un tel changement, et devant la nécessité d'intensifier la lutte contre les fraudes à la TVA, le Conseil de l'Union européenne a donc proposé dans un premier temps ce dispositif d'autoliquidation mais seulement pour une durée temporaire. Le texte prévoit la possibilité d'adopter le MALG jusqu'aux opérations réalisées au 30 juin 2022.
Adoption par la France ?
La particularité de cette directive réside dans le choix qu'elle laisse aux États membres. Aucun État n'aura l'obligation d'adopter ce dispositif. Les pays membres qui le souhaitent devront déposer une demande auprès de la Commission européenne. Cette dernière vérifiera le respect des conditions prévues dans la directive. L'État membre concerné devra notamment justifier de l'ampleur de la fraude à la TVA dont il fait l'objet.
Rien n'indique pour le moment que la France transmettra une telle demande. Le texte de la directive a seulement pour le moment été transmis le 12 janvier dernier à l'Assemblée nationale et au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution.
Nous rappelons que cette généralisation avait fait l'objet d'une proposition de l’Ordre des experts-comptables à Emmanuel Macron, alors ministre de l'Économie, en juin dernier. S'il s'est montré intéressé, il avait néanmoins souligné la nécessité d'un accord sur ce principe au niveau de l'Union européenne, condition désormais réalisée.
Extrait article premierde la proposition de DIRECTIVE DU CONSEIL modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne l'application temporaire d'un mécanisme d'autoliquidation généralisé pour les livraisons de biens et prestations de services dépassant un certain seuil
L'article 199 quater suivant est inséré dans la directive 2006/112/CE :
«Article 199 quater 1.
Par dérogation à l’article 193, jusqu’au 30 juin 2022, un État membre peut, à titre de mécanisme d’autoliquidation généralisé (MALG), prévoir que le redevable de la TVA est l’assujetti destinataire des livraisons de biens et prestations de services dépassant un seuil de 10 000 EUR par facture. L'État membre qui souhaite instaurer le MALG satisfait aux conditions suivantes:
(a) il présente un écart de TVA, exprimé en pourcentage de la TVA totale exigible théorique, dépassant d’au moins 5 points de pourcentage l’écart de TVA médian de la Communauté;
(b) la fraude de type carrousel représente plus de 25 % de son écart de TVA total;
(c) il établit que d’autres mesures de contrôle ne suffisent pas pour lutter contre la fraude de type carrousel sur son territoire. L’État membre joint à la demande visée au paragraphe 4 le calcul de l’écart de TVA établi sur la base de la méthode et des chiffres disponibles dans le dernier rapport sur l’écart de TVA publié par la Commission.
2. Par dérogation à l’article 193, jusqu’au 30 juin 2022, un État membre peut prévoir que le redevable de la TVA est l’assujetti destinataire des livraisons de biens et prestations de services dépassant un seuil de 10 000 EUR par facture lorsque cet État membre:
(a) a une frontière commune avec un État membre autorisé à appliquer le MALG;
(b) établit qu’il existe un risque grave de déplacement de la fraude vers son territoire du fait que cet État membre est autorisé à appliquer le MALG;
(c) établit que d’autres mesures de contrôle ne suffisent pas pour lutter contre la fraude sur son territoire.
[...] 4. Les États membres qui souhaitent appliquer le MALG introduisent une demande auprès de la Commission et communiquent les informations suivantes :
(a) une justification détaillée montrant que les conditions visées au paragraphe 1 ou 2 sont remplies;
(b) la date de début de l’application du MALG et la période qui sera couverte par celui-ci;
(c) les actions à entreprendre pour informer les assujettis de l’instauration du MALG;
(d) une description détaillée des mesures d’accompagnement visées au paragraphe
[...] 5. Au plus tard trois mois après avoir reçu toutes les informations nécessaires, la Commission adopte une décision d’exécution confirmant que la demande satisfait aux exigences visées au paragraphe 4 et autorise l’État membre requérant à appliquer le MALG. Dans le cas où ces exigences ne sont pas satisfaites, elle adopte une décision d’exécution rejetant la demande.
L'intégralité du texte de la directive est disponible sur le lien suivant : http://www.assemblee-nationale.fr/europe/pdf/doc_e/e11746.pdf