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Le Conseil d'État a rendu le 28 avril dernier une décision refusant la déduction du résultat imposable d'un abandon de créance à une filiale au motif que la société n'apporte pas la justification du bénéfice d'un retour de contrepartie. En conséquence, l'acte anormal de gestion est retenu (Conseil d'État, décision n°388540 du 28 avril 2017).
Caractère normal ou anormal des abandons de créance
Les règles de déduction du résultat imposable à l'impôt sur les bénéfices des abandons de créance varient selon que la créance à un caractère commercial ou financier. Mais avant même de se soucier de cette classification, pour pouvoir être déductible, un abandon de créance doit constituer un acte normal de gestion. La preuve est apportée lorsqu'il est établi que l'abandon est consenti dans l'intérêt de l'exploitation et trouve son fondement dans l'existence d'une contrepartie réelle et suffisante (BOFiP, BOI-BIC-BASE-50-10, § 80).
La doctrine précise en outre que l'établissement du caractère normal de l'abandon de créance ne peut être justifié par la simple existence d'un lien capitalistique entre deux sociétés (abandon de créance d'une société mère auprès d'une filiale).
Il n'existe pas de liste limitative d'abandons de créances à caractère normaux et anormaux. En cas de litige, l'administration et la justice apprécient la situation en fonction des circonstances de fait.
Les faits du litige et la décision du Conseil d'État
Dans le litige sur lequel a récemment statué le Conseil d'État, une société française a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos entre 2006 et 2008. L'administration fiscale a rejeté au titre de l'exercice 2007, la déduction du résultat imposable d'un abandon de créance de plus d'1,5 million € accordé à la filiale espagnole. L'administration a qualifié cet abandon d'acte anormal de gestion. La société française a porté l'affaire devant la justice, mais a été respectivement déboutée par le tribunal administratif de Montreuil (jugement du 3 janvier 2013) et la Cour administrative d'appel de Versailles (arrêt du 30 décembre 2014).
À nouveau, par une décision du 28 avril 2017, le Conseil d'État a rejeté le pourvoi de la société à l'origine de l'abandon de créance.
Le Conseil rappelle dans sa décision qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créance consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion. Néanmoins, cette preuve est réputée apportée lorsque l'entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.
Le Conseil d'État a estimé que les arguments apportés par la société française étaient insuffisants pour retenir la qualification d'acte normal de gestion.
En l'espèce, le plaignant s'est limité à rappeler qu'elle détenait 85% du capital de sa filiale espagnole et que l'abandon de créance revêtait une raison commerciale. Aucune preuve de l'intérêt stratégique à la poursuite de l'activité en Espagne n'est apportée. La société française précise seulement un intérêt pour un développement international de ses activités sans exposer l'importance de la pérennisation de son implantation sur le marché espagnol.
Le fait que la société française est prêtée à sa filiale du personnel et du matériel spécialisé malgré les difficultés liées à la crise immobilière et financière espagnole est également insuffisant pour justifier d'un intérêt commercial suffisant.
Extrait décision n° n°388540 du Conseil d'Etat du 28 avril 2017
3. En l'espèce, la cour, après avoir indiqué que la société Franki Fondation soutenait que l'aide consentie à sa filiale Franki Iberia, dont elle détenait 85 % du capital, l'avait été pour des raisons commerciales, a estimé que la société Franki Fondation ne justifiait pas l'intérêt stratégique de la poursuite de l'activité de la société espagnole pour son propre développement en se bornant à produire un document non daté et dont l'origine n'était pas précisée et à invoquer de manière très générale l'intérêt pour elle d'un développement sur le plan international sans exposer l'importance de la pérennisation de son implantation sur le marché espagnol et les effets bénéfiques du maintien de cette filiale au pays basque espagnol. Elle a également jugé que les circonstances que la société Franki Fondation avait mis à disposition de sa filiale du personnel et des matériels spécialisés dans les activités de forage et de sondage des sols et que les efforts d'implantation commerciale de la société Franki Iberia s'étaient poursuivis en dépit des difficultés dues à la crise immobilière et financière en Espagne n'étaient pas davantage de nature à justifier l'intérêt commercial à consentir cet abandon de créance.
4. En déduisant de ces faits, qu'elle a souverainement appréciés et qui ne sont pas argués de dénaturation, que, faute pour la société Franki Fondation de démontrer l'existence de contreparties à l'abandon de créances consenti, l'administration était fondée à regarder cet abandon de créance comme ne relevant pas d'une gestion commerciale normale, la cour, qui n'a pas, contrairement à ce que soutient le pourvoi, méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve, n'a pas donné aux faits qui lui étaient soumis une qualification juridique erronée.
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