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Le Conseil constitutionnel vient de considérer conforme à la Constitution, le sursis d'imposition à l'impôt sur le revenu applicable en cas d'échange de titres avec une soulte d'un montant maximum de 10% de la valeur nominale des titres.
Le sursis d'imposition en cas d'échange de titres
En principe, selon l'article 150-0 A du CGI, les plus-values réalisées par des personnes physiques à l'occasion de la cession de titres sont imposables à l'impôt sur le revenu. Dans le cas général, avant d'être soumises au barème progressif de l'IR, ces plus-values bénéficient d'un abattement pour durée de détention (50% pour une durée de détention entre 2 et 8 ans et 65% au-delà).
En revanche, le contribuable bénéficie d'un sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du CGI lorsque la cession intervient dans le cadre d'un échange de titres avec une soulte reçue par le foyer fiscal qui n'excède pas 10% de la valeur nominale des titres. Si la soulte excède ce seuil de 10%, l'échange de titres demeure imposable à l'impôt sur le revenu l'année de sa réalisation, dans les conditions de droit commun.
Une QPC portée devant le Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d'État le 25 avril dernier d'une QPC (question prioritaire de constitutionnalité).
Les requérants, 3 avocats du barreau des Hauts-de-Seine, reprochent aux dispositions prévues à l'article 150-0 B du CGI de fixer un seuil de versement de soulte permettant de ne pas remettre en cause le sursis d'imposition dont bénéficie un contribuable en cas d'échange de titres, à un niveau qu'ils estiment excessif (10%). Ce seuil exprimé en pourcentage de la valeur nominale serait contraire à l'objectif poursuivi et ne tiendrait pas compte des capacités contributives des assujettis. Enfin, selon les requérants, cette seuil instaure une rupture du principe d'égalité devant la loi, car il crée une différence de traitement injustifiée selon que l'échange de titres d'un même montant s'accompagne ou non d'une soulte.
Pas de censure par les Sages
Le Conseil constitutionnel a estimé que ce seuil de 10% permettait de favoriser les restructurations d'entreprises réalisées par échange de titres, tout en fixant une limite afin de lutter contre l'évasion fiscale. Enfin, les Sages ont estimé que cette disposition est fondée sur un critère objectif et rationnel en rapport avec l'objectif poursuivi et ne fait pas porter sur les contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives.
En conséquence, par une décision n°2017-638 du 16 juin 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution, les dispositions prévues à l'article 150-0 B du CGI.
Extrait décision n°2017-638 du 16 juin 2017
6. En premier lieu, en instaurant le sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du code général des impôts, le législateur a entendu favoriser les restructurations d'entreprises susceptibles d'intervenir par échanges de titres. Toutefois, il a voulu éviter, au nom de la lutte contre l'évasion fiscale, que bénéficient d'un tel sursis d'imposition celles de ces opérations qui ne se limitent pas à un échange de titres, mais dégagent également une proportion significative de liquidités. À cette fin, poursuivant ces buts d'intérêt général, il a prévu que les plus-values résultant de tels échanges avec soulte soient soumises à l'impôt sur le revenu au titre de l'année de l'échange, lorsque le montant des liquidités correspondant à la soulte dépasse une certaine limite.
7. En deuxième lieu, le Conseil constitutionnel n'a pas un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne saurait rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé. En faisant référence, pour définir la limite au-delà de laquelle le sursis d'imposition est exclu, à la valeur nominale des titres reçus en échange, le législateur a retenu un élément qui rend compte de l'importance de l'opération d'échange de titres au regard du capital social de l'entreprise qui fait l'objet de la restructuration. Le législateur n'était à cet égard pas tenu de définir cette limite en fonction de la valeur vénale des titres reçus en échange, laquelle tient compte de la prime d'émission. Dès lors, en fixant à 10 % de la valeur nominale le montant de la soulte au-delà duquel il n'est pas possible de bénéficier du sursis d'imposition, il s'est fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport avec l'objectif poursuivi. Les dispositions contestées, qui ne créent pas d'effets de seuil manifestement disproportionnés, ne font pas peser sur les assujettis, s'agissant de conditions requises pour bénéficier d'un sursis d'imposition, une charge excessive au regard de leurs facultés contributives.
8. En troisième lieu, le principe d'égalité devant la loi n'imposait pas au législateur de traiter différemment les opérations d'échange de titres selon qu'elles s'accompagnent ou non de l'émission d'une prime.
9. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant la loi et devant les charges publiques. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces principes doivent être écartés.
Lire aussi : Décision n° 2017-638 QPC du 16 juin 2017 | Conseil constitutionnel
M. Gérard S. [Sursis d'imposition en cas d'échanges de titres avec soulte]