Le verrou de Bercy maintenu

Actualité
Revenus de placements

Le verrou de Bercy maintenu
Publié le
Mis à jour le
Télécharger en PDF

Cet article a été publié il y a 7 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Au cours de débats houleux, l'Assemblée nationale a finalement rejeté la suppression du "verrou de Bercy" à une courte majorité (133 voix pour et 153 voix contre).

Qu'est-ce que le verrou de Bercy ?

Le "verrou de Bercy" est une procédure spécifique qui accorde un monopole aux services fiscaux du ministère en charge des Finances pour poursuivre les personnes soupçonnées de fraude fiscale. Cette disposition prévue à l'article 228 du livre de procédure fiscale limite ainsi les pouvoirs habituellement dévolus au Procureur de la République. La loi prévoit l'obligation en amont pour l'administration fiscale de saisir pour avis conforme la commission des infractions pénales. Mais dans les faits, cette commission se range la plupart du temps à la position de l'administration.

Extrait article 228 du livre de procédure fiscale (LPF)

Sous peine d'irrecevabilité, les plaintes tendant à l'application de sanctions pénales en matière d'impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d'affaires, de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre sont déposées par l'administration sur avis conforme de la commission des infractions fiscales.

La commission examine les affaires qui lui sont soumises par le ministre chargé du budget. Le contribuable est avisé de la saisine de la commission qui l'invite à lui communiquer, dans un délai de trente jours, les informations qu'il jugerait nécessaires.

Un dispositif très critiqué mais finalement maintenu

Cette procédure assez méconnue du grand public a fait l'objet d'intenses discussions dans le cadre du projet de loi "Pouvoirs publics : confiance dans l'action publique", anciennement appelée "projet de loi pour la moralisation de la vie publique".  

Ce texte est en effet un dispositif d'exception dans la législation dont la transparence est limitée. Il s'oppose ainsi au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. L'Exécutif dispose ainsi d'une procédure qui relève dans le cas général du pouvoir judiciaire. Au cours des débats, le verrou de Bercy a ainsi parfois été qualifié de "cadeau aux gros contribuables".

Bien que le projet de loi ne prévoyait aucune disposition à ce sujet, les sénateurs ont intégré un amendement qui rendait impossible le recours à cette procédure "en cas de connexité avec d'autres infractions faisant l'objet d'une procédure judiciaire ou de découverte incidente dans le cadre d'une procédure pénale" (article 1er ter du projet de loi).

Lors d'un vote "assis-debout" en Commission, l'Assemblée nationale avait finalement adopté un amendement du Gouvernement écartant cet amendement.  Le Gouvernement est en effet défavorable à cette suppression. La ministre de la Justice, Nicole Belloubet souligne notamment la nécessité de conserver ce dispositif dans un objectif de recherche d'efficacité. Il permettrait un recouvrement plus simple des sommes dues par les contribuables poursuivis.

Les débats sur ce thème ont été nombreux hier dans le cadre des discussions en séance publique à l'Assemblée. Les rappels au règlement et les suspensions de séance se sont multipliés.

Malgré les nombreux amendements proposés par les députés de l'opposition pour limiter la portée de cette procédure, aucun n'a été retenu. La grande majorité des députés de la majorité ont en effet suivi la position du Gouvernement. Seule la mise en place d'une mission d'évaluation de ce mécanisme a été consentie. Les conclusions sont attendues pour fin 2017.