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La Cour de cassation a rendu le 3 avril 2013 un arrêt relatif à un litige opposant un cabinet d’expertise comptable à son client. Cet arrêt apporte des précisions sur les conditions de la responsabilité de l’expert-comptable.
Les faits du litige
Un cabinet d’expertise comptable a enregistré en produit des sommes que son client estimait avoir personnellement apporté. Le client considère que ces sommes auraient dues être comptabilisées au crédit du compte courant d’associé. Constatant cette situation, l’URSSAF et l’administration fiscale ont opéré des redressements. Le client considère que l’erreur d’imputation commise par le cabinet d’expertise comptable, sans pièce justificative à l’appui, est à l’origine de ces redressements. En conséquence, elle assigne en réparation du préjudice subi, le cabinet d’expertise-comptable.
La position de la Cour de cassation
La Cour de cassation souligne les erreurs du cabinet d’expertise comptable, à savoir l’absence de demande de pièces justificatives à propos de cette opération et le manquement caractérisé au devoir d'information et de coopération.
Néanmoins, la Cour de cassation a considéré que c'est l'incapacité du dirigeant à démontrer la réalité de ses apports personnels qui a été déterminante dans les redressements opérés et non l'erreur d'imputation comptable portant sur ces apports. Ainsi, dans cette affaire, le manquement au devoir de conseil de l’expert-comptable n’a pu être retenu. La Cour de cassation a en conséquence rejeté le pourvoi exercé par le client.
Extrait de l’arrêt de justice (Cass. com. 3 avril 2013, n° 12-13079)
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 novembre 2011), que la société Bare (la société) et son dirigeant M. X..., reprochant à la société Filliung et Mayer, expert-comptable de la société (l'expert-comptable), d'avoir intégré dans le chiffre d'affaires de la société des apports faits par M. X... sur son compte d'associé, ce qui avait été à l'origine de la signification d'une contrainte par l'URSSAF et de la notification par l'administration fiscale d'un redressement au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, l'ont fait assigner en réparation de leurs préjudices ; que l'expert-comptable a demandé reconventionnellement le paiement d'une certaine somme au titre d'un solde d'honoraires ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société et M. X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, alors, selon le moyen :
1°/ que l'expert-comptable est tenu d'une obligation de conseil et qu'il ne saurait inscrire une opération en compte sans pièce justificative de la nature de l'opération et sans attirer l'attention de son client sur les conséquences prévisibles d'une telle situation ; qu'en l'espèce, l'expert-comptable reconnaissait ne pas avoir été mis en possession des pièces justifiant la nature des encaissements inscrits en compte au titre des exercices 1997, 1998 et 1999 ; que cette situation impliquait que l'expert-comptable sollicitât de son client, avant leur inscription en compte à titre de recettes ou à quelque autre titre, des explications sur la nature desdits encaissements et exigeât de son client la remise des pièces qui lui étaient nécessaires pour exécuter sa mission et qu'à défaut de pièces, il attirât l'attention de M. X... sur le fait qu'il ne pourrait être procédé à une « régularisation » ultérieure de son compte courant sans courir le risque de voir l'URSSAF et l'administration fiscale procéder à des redressements de ce chef, redressements que la société Bare ne pourrait valablement contester ; qu'en considérant que l'expert-comptable n'avait pas manqué à son devoir de conseil et que la société Bare ne pouvait donc rechercher sa responsabilité de ce chef, au motif inopérant qu'il n'avait pas à présumer que certains encaissements n'étaient pas constitutifs de recettes, sans rechercher si l'expert-comptable avait exigé de sa cliente la remise des pièces qui lui étaient nécessaires pour exécuter sa mission, et attiré son attention sur les conséquences prévisibles liées à l'insuffisance desdites pièces en cas d'inscription ultérieure de ces sommes au crédit du compte courant de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2 / que le client de l'expert-comptable n'est pas tenu de contrôler les comptes de ce dernier ; qu'en estimant que l'absence de réaction du gérant de la société Bare en l'état d'une erreur « aisément décelable » constituait « pour le moins un manquement caractérisé au devoir d'information et de coopération » qui pesait sur la cliente de l'expert-comptable, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que l'incapacité de M. X... à démontrer la réalité de ses apports personnels avait été déterminante dans les redressements opérés par l'URSSAF et l'administration fiscale, de sorte que l'erreur d'imputation comptable portant sur ces apports ayant affecté les bilans des exercices 1997, 1998 et 1999 n'était pas en relation causale avec ces redressements, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, abstraction faite de ceux critiqués, légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;[…]
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.