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Dans le cadre d’une demande de l’Afep, le Conseil d’État vient de saisir le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (2019-804 QPC, enregistrée le 2 juillet 2019).
Le verrou de Bercy assoupli
Ce 1er juillet, le Conseil d’État a accepté la demande de l’association française des entreprises privées (Afep) de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC (question prioritaire de constitutionnalité). L’Afep conteste en effet la légalité de l’assouplissement du verrou de Bercy, adoptée par la loi relative à la lutte contre la fraude du 23 octobre 2018.
Le verrou de Bercy est un dispositif selon lequel l’administration fiscale dispose du monopole pour le dépôt de plainte pour fraude fiscale auprès du procureur de la République, après autorisation de la commission des affaires fiscales. L’objectif de ce monopole est d’éviter au contribuable une double sanction pour les mêmes faits à savoir une sanction fiscale issue du redressement avec des pénalités et une sanction pénale.
Il était néanmoins critiqué pour son manque de transparence, les décisions de la commission n’étant pas toujours motivées. L’article 36 de la loi du 23 octobre 2018 a assoupli le verrou de Bercy. L’administration fiscale a désormais l’obligation de transmettre au procureur de la République et sans autorisation de la commission, les cas de fraude fiscale les plus graves. Sont visés, les redressements supérieurs à 100.000 € pour lesquels une majoration de 100, 80 ou 40% dans certains cas ont été appliqués.
Extrait article L228 du livre des procédures fiscales, modifié par l’article 36 de la loi n°2018-898 du 23 octobre 2018
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– Sans préjudice des plaintes dont elle prend l'initiative, l'administration est tenue de dénoncer au procureur de la République les faits qu'elle a examinés dans le cadre de son pouvoir de contrôle prévu à l'article L. 10 qui ont conduit à l'application, sur des droits dont le montant est supérieur à 100 000 € : 1° Soit de la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts ; 2° Soit de la majoration de 80 % prévue au c du 1 de l'article 1728, aux b ou c de l'article 1729, au I de l'article 1729-0 A ou au dernier alinéa de l'article 1758 du même code ; 3° Soit de la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 ou aux a ou b de l'article 1729 dudit code, lorsqu'au cours des six années civiles précédant son application le contribuable a déjà fait l'objet lors d'un précédent contrôle de l'application des majorations mentionnées aux 1° et 2° du présent I et au présent 3° ou d'une plainte de l'administration.
La question prioritaire de constitutionnalité
L’Afep qui défend les intérêts des grandes entreprises voit dans cet assouplissement un réel risque pénal supplémentaire pour les dirigeants. Sur le terrain judiciaire, elle estime que cet assouplissement du verrou de Bercy est contraire au principe d’égalité devant la loi et au principe de personnalité des peines prévus aux articles 6, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Sa demande, portée devant le Conseil d’État a fait l’objet d’une décision favorable, le 1er juillet. La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l’article L228 du livre des procédures fiscales est ainsi renvoyée devant le Conseil constitutionnel.