Cadre juridique
Les personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés et détenant la totalité des titres d’une filiale qu’elles souhaitent absorber, peuvent recourir :
- soit à une fusion simplifiée (art. L 236-1 du code de commerce)
- soit à une dissolution sans liquidation (art. 1844-5 du code civil) plus communément appelée TUP (Transmission Universelle du Patrimoine) ou confusion de patrimoine.
Les TUP sont plus simples juridiquement à mettre en place. Les fusions simplifiées sont devenues ainsi très peu utilisées.
Les TUP sont réalisées par simple déclaration de l’associé unique sans qu'il soit nécessaire à l'inverse de la fusion simplifiée, de réaliser un traité de fusion, de faire intervenir un commissaire aux apports et de tenir une assemblée générale extraordinaire chez l'absorbante.
Elles doivent être enregistrées auprès du pôle « enregistrement » du centre des impôts territorialement compétent. Un publicité de la TUP doit en amont être réalisée dans un journal d’annonces légales. A partir de cette publication, les créanciers de la société absorbée ont 30 jours pour faire opposition.
En l’absence d’opposition, la TUP est automatique et devient effective à l'issue du délai de 30 jours.
Traitement comptable des TUP
Les TUP correspondant à une fusion à 100%, les éléments du patrimoine de la société absorbée doivent être repris dans la comptabilité de la société absorbante à leur valeur nette comptable.
Cette écriture comptable doit être réalisée à la date où se termine le délai d’opposition des créanciers (sauf en cas d'opposition de ces derniers, il faut dans ce cas attendre la décision de justice).
Ainsi la société absorbante reprendra dans ses enregistrements comptables l'ensemble de l'actif réel de l'absorbée et de ses dettes, valorisées à leur valeur nette comptable.
Pour les immobilisations, les valeurs brutes doivent être reprises ainsi que les comptes d'amortissement (compte 28). L'amortissement de ces biens doivent être poursuivis par l'absorbante après réalisation de la TUP. Les dépréciations constatées par l'absorbée suivent le même régime.
Seuls les capitaux propres de l'absorbée ne seront pas repris au bilan de l'absorbante. En contrepartie, les titres de participations de l'absorbée au bilan de l'absorbante sont annulés (comptes 261) et les dépréciations éventuelles également (compte 2961).
La reprise du bilan de l'absorbée correspond ainsi à la valeur de ses capitaux propres. Ces derniers reflètent sa valeur patrimoniale à la date de la TUP. Les titres de participation annulés sont au bilan enregistrés à la valeur du coût d'acquisition. Un écart peut alors apparaitre. Il peut s'agir d'un boni (écart positif) ou d'un mali de fusion (écart négatif).
Boni ou mali de fusion = Capitaux propres de la société absorbée à la date de la TUP - Valeur nette comptable des titres de participation
Le boni de fusion est enregistré en comptabilité :
- en produits financiers (comtes 76), à hauteur des réserves accumulées par la société absorbée depuis l'acquisition (produit non imposable)
- dans les capitaux propres pour le montant résiduel (dans un sous-compte de la prime de fusion - 1042).
Le mali est comptabilisé en 2 parties :
- le faux mali (ou mali technique), correspond aux plus-values latentes constatées dans les actifs (notamment, sur les terrains et constructions) : enregistrement dans le compte 207 « fonds commercial »,
- le vrai mali, correspond à une perte de valeur de la participation : cette insuffisance de dépréciation doit être comptabilisée en charges financières (charge non déductible).
Position fiscale
Tout comme la fusion simplifiée, les TUP bénéficient du régime fiscal de faveur (régime spécial – article 210 du CGI) :
- Aucune plus-value de cession n'est constatée pour la reprise des immobilisations de l'absorbée.
- Exonération du boni de liquidation : déduction extra-comptable de la quote-part du boni enregistrée en produits financiers, et inversement réintégration extra-comptable du vrai mali.
- La créance résultant du report en arrière des déficits de l'absorbée est transférable de plein droit à l'absorbante.
Exemple 1 - TUP avec Boni de fusion
Enoncé
La filiale Fortex a été créée en janvier N-3 par la société Mentor.
Le capital de Fortex est detenu à 100% par la société Mentor.
Elle fait l'objet d'une TUP le 1er janvier N.
Au 31 décembre N-1, les titres Fortex apparaissent à l'actif de Mentor pour une valeur de 3.500 (coût d'acquisition). Aucune dépréciation n'a été opérée sur ces titres, inscrits en compte 261 - Titres de participation.
Bilan de la filiale F au 31/12/N-1 | |||||
ACTIF | Brut | A et D | VNC | PASSIF | Montant |
Actif immobilisé | Capitaux propres | ||||
Immobilisations incorp. | 2 000 | 1 500 | 500 | Capital | 3 500 |
Immobilisations corp. | 4 500 | 2 000 | 2 500 | Réserves | 1 000 |
Résultat de l'exercice | 200 | ||||
Report à nouveau | 0 | ||||
Actif circulant | |||||
Stock | 200 | 200 | Dettes | ||
Créances clients | 300 | 300 | Emprunt | 0 | |
Banque | 1 500 | 1 500 | Autres Dettes | 300 | |
Total Actif | 8 500 | 3 500 | 5 000 | Total Passif | 5 000 |
Calcul du boni de fusion
Total capitaux propres | 4700 |
Valeur Nette Comptable Compte 261 | 3500 |
Boni de fusion | 1200 |
Le boni de fusion est constaté en comptabilité :
- en produits financiers (comte 76), à hauteur des réserves accumulées par la société absorbée depuis l'acquisition soit 1.000 € (non imposable)
- dans les capitaux propres pour 200 €, dans un sous-compte de la prime de fusion (compte 1042).
Le produit financier (1.000 €) est non imposable, il doit faire l'objet d'une déduction extra-comptable.
Enregistrement comptable de la TUP
N° PCG | Libellé | Débit | Crédit |
20 | Immobilisations incorporelles | 2 000 | |
21 | Immobilisations corporelles | 4 500 | |
3... | Stocks | 200 | |
41 | Clients | 300 | |
512 | Banque | 1 500 | |
280 | Amortissement immobilisations incorporelles | 1 500 | |
281 | Amortissement immobilisations corporelles | 2 000 | |
164 | Emprunts | 0 | |
4... | Dettes | 300 | |
261 | Titres participation | 3 500 | |
76 | Produit financier | 1 000 | |
1042 | Boni fusion | 200 |
Exemple 2 - TUP sans vrai mali
Enoncé
La société Mentor dispose de 100% du capital de la société Xylon depuis N-5 (acquisition au prix de 70.000 €) et souhaite opérer une TUP début N.
Capitaux propres de la société Xylon au 31/12/N-1 = -150.000
Il existe une plus-value latente de 180.000 € sur un terrain à l'actif de Xylon à cette date.
La société Mentor a constaté fin N-1 une dépréciation en fonction de l'actif net réévalué de sa filiale.
Détermination de la dépréciation
Actif net comptable (capitaux propres) de Xylon | -150 000 |
Plus-values latentes | 180 000 |
Actif net réévalué de Xylon | 30 000 |
Valeur d'acquisition des titres Xylon | 70 000 |
Dépréciation au 31/12/N-1 | 40 000 |
Détermination du mali de fusion
Mali de fusion = -150.000 - 30.000 = -180.000
Il s'agit intégralement d'un mali technique correspondant aux plus-values latentes constatées chez Xylon.
Les titres ont correctement été dépréciés, ils figurent pour une valeur nette comptable de 30.000 €, soit la valeur réelle de Xylon.
Le mali technique doit être enregistré en immobilisation incorporelle en compte 207 - Fonds commercial (aucun retraitement extra-comptable).
Ce poste n'est pas amortissable mais pourra faire l'objet d'une dépréciation en cas de baisse de la valeur de marché du terrain. Ces dépréciations devront dans ce cas faire l'objet d'une réintégration extra-comptable.
Lors de la TUP les titres seront annulés (crédit du compte 261 pour 70.000 €), ainsi que la dépréciation correspondante mais sans procéder à une reprise (débit du compte 261 pour 40.000).
Exemple 3 - TUP avec vrai mali
Enoncé
La société Mentor dispose de 100% du capital de la société Yalta depuis N-7 (acquisition au prix de 50.000 €) et souhaite opérer une TUP début N.
Capitaux propres de la société Yalta au 31/12/N-1 = - 220.000
Il existe une plus-value latente de 190.000 € sur un terrain à l'actif de Yalta à cette date.
La société Mentor a constaté fin N-1 une dépréciation en fonction de l'actif net réévalué de sa filiale.
Détermination de la dépréciation
Actif net comptable (capitaux propres) de Yalta | -220 000 |
Plus-values latentes | 190 000 |
Actif net réévalué de Yalta | -30 000 |
Valeur d'acquisition des titres Yalta | 50 000 |
Dépréciation au 31/12/N-1 | 50 000 |
Avec cette dépréciation, les titres apparaîtront au bilan pour une valeur nette comptable de 0 chez Mentor. Une provision pour risque doit également être constatée pour 30.000 €.
Détermination du mali de fusion
Mali de fusion = -220.000 - 0 = - 220.000
Le mali est comptabilisé en 2 parties :
- le faux mali (ou mali technique), correspond aux plus-values latentes (190.000) : enregistrement dans le compte 207 « fonds commercial »,
- le vrai mali pour 30.000 € (soit 220.000 - 190.000) correspond à une perte de valeur de la participation, une insuffisance de dépréciation. Elle doit être comptabilisée en charge financière (compte 66). Le vrai mali n'est pas déductible et doit faire l'objet d'une réintégration extra-comptable.
Le vrai mali est compensé comptablement par la reprise sur provision pour risques et charges (débit d'un compte 15 par le crédit d'un compte 786) qui sera enregistrée à la date de la TUP (aucun retraitement extra-comptable).
En outre, lors de la TUP les titres seront annulés (crédit du compte 261 pour 50.000 €), ainsi que la dépréciation correspondante mais sans procéder à une reprise (débit du compte 261 pour 50.000).
Rétroactivité des TUP
Rétroactivité : les règles applicables
La rétroactivité d'une TUP consiste à la prendre en compte comptablement ou fiscalement avant sa date officielle d'application effective.
En comptabilité, la rétroactivité des TUP est interdite. La TUP est donc obligatoirement prise en compte dans la comptabilité, dans les 30 jours de la publication au journal d’annonces légales (fin du délai d’opposition des créanciers).
En fiscalité, en revanche, la rétroactivité est possible. Elle doit être expressément prévue par une clause de la décision de dissolution sans liquidation avec mention de son point de départ.
La date d'effet de l'opération ne peut être antérieure à la date d'ouverture chez la société confondante de l'exercice de réalisation de la TUP. Il existe néanmoins une tolérance fiscale, en cas de publication de la TUP lors du dernier mois de l’exercice.
Si la rétroactivité est retenue en fiscalité, le résultat supplémentaire de l'absorbée (entre la date de rétroactivité, et la date officielle de la TUP retenue en comptabilité) est repris par l'absorbante de manière extra-comptable (réintégration extra-comptable en cas de bénéfice).
Rétroactivité - cas pratique
La société Alpha possède 100% du capital de la société Bêta. Les exercices de ces sociétés coïncident avec l'année civile.
La décision de procéder à une transmission universelle du patrimoine est constatée par un procès-verbal du conseil d'administration de la société Alpha le 15 décembre N (publication dans un journal d'annonces légales le 20 décembre N).
Officiellement, la TUP a lieu le 20 janvier N+1, à l'issue du délai d'opposition de 30 jours.
En comptabilité, aucune rétroactivité n'est possible, l'écriture de reprise du patrimoine de Bêta interviendra donc à cette date.
Si aucune rétroactivité fiscale n'est décidée, aucun résultat ne sera réintégré extra-comptablement.
La société peut décider d'une rétroactivité au 1er janvier N+1 (date d'ouverture de l'exercice comptable de Alpha). Si on constate chez Bêta, un résultat de 15.000 € entre la période du 1er janvier N+1 et le 20/01/N+1, Alpha devra réintégrer cette somme de manière extra-comptable (ce résultat ne peut être repris en comptabilité).
Alpha peut même décider d'une rétroactivité au 1er janvier N (car décision en décembre N). Si en N, Bêta réalise une perte de 30.000 €, une déduction extra-comptable de 30.000 € devra être opérée chez Alpha en N ainsi qu'une réintégration de 15.000 € en N+1 (si reprise de la même hypothèse de résultat entre le 1er et le 20/01/N+1).