Projet BEPS de l'OCDE contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices

Fiche pratique
Impôt sur les sociétés

Face aux pratiques d'optimisation fiscale mises en place par les multinationales de manière quasi-systématique, le G20 et l'OCDE ont mis en place le projet BEPS. Il consiste en un calendrier prévoyant 15 actions clés pour réformer la fiscalité internationale. L'objectif est de garantir que les bénéfices réalisés par les entreprises soient imposés sur le territoire où les activités économiques sont réalisées. En outre, en 2021, l'OCDE s'est entendu sur un taux d'impôt sur les bénéfices minimum au niveau mondial de 15%.

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Le cœur du problème : l'optimisation fiscale

Depuis plusieurs décennies, les entreprises se mondialisent de plus en plus. A contrario, les fiscalités imposant leurs bénéfices restent nationales. Actuellement, il n'existe aucune homogénéisation des différentes législations fiscales au sujet de l'impôt sur les bénéfices, tant en termes d'assiette d'imposition, que de taux d'imposition. Les multinationales ont ainsi su exploiter les failles existantes dans chacune de ces législations afin de payer un minimum d'impôt dans les pays où leurs activités économiques et la richesse créée était localisées au profit d'Etats où l'impôt sur les bénéfices est plus faible.

La fixation des prix de transfert entre 2 filiales d'un même groupe situées dans deux Etats différents, constitue l'un des points les plus sensibles à ce sujet. Beaucoup de multinationales n'hésitent pas ainsi à procéder à une facturation de prestations immatérielles plus ou moins fictives et surévaluées de manière à réduire le bénéfice d'une filiale située dans un pays à taux d'imposition élevé et à augmenter le bénéfice de la filiale située dans un pays à fiscalité plus faible. Plusieurs multinationales telles Google ou Amazon se sont vues récemment reprocher ce type de pratiques.

Les objectifs du BEPS

A la demande des ministres des Finances du G20, l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques)  a lancé en juillet 2013 un plan d'action relatif à l'érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. Ce plan baptisé "Projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting)", comprend 15 actions spécifiques à engager d'ici fin 2015 dans le but d'aider les pouvoirs publics à se doter d'outils juridiques permettant de lutter efficacement contre ces pratiques d'optimisation fiscale.

Ce projet, approuvé par les ministres des Finances du G20 et les gouverneurs de banque centrale réunis à Moscou en juillet 2013 constitue un première véritable tentative de coopération et d'homogénéisation en matière fiscale entre plusieurs pays membres et non membres du G20 et de l'OCDE.  

Cette coopération devrait permettre aux Etats participants :

  • de protéger leur base d’imposition,
  • d'éviter  les doubles exonérations,
  • d'éviter d’adopter des nouvelles règles internes qui provoqueraient des situations fiscales injustes comme des doubles impositions, des contraintes fiscales supplémentaires inutiles ou des entraves aux activités transnationales,

De manière générale, l'objectif recherché est la justice fiscale c'est-à-dire faire en sorte que les multinationales payent l'impôt sur les bénéfices dans le pays où elles ont leur activité économique et où est créée la valeur ajoutée.

Le plan d'action

Le BEPS recense 15 plans d'action. L'OCDE a présenté ses premières recommandations pour une lutte appropriée contre l'évasion fiscale. Les rapports annuels et recommandations correspondant sont disponibles à l'URL suivante : http://www.oecd.org/fr/ctp/beps/actions-beps.htm

Les 15 actions du BEPS (source : http://www.oecd.org/fr/fiscalite/a-propos-de-beps.htm)

Actions

Calendrier (rapport final)

Action 1

Rapport détaillé recensant les problèmes fiscaux posés par l’économie numérique et les mesures permettant de les résoudre

Octobre 2015

Action 2

Recommandations concernant la conception de règles nationales et de dispositions conventionnelles visant à neutraliser les effets des montages hybrides, tant du point de vue national que sous l’angle des conventions fiscales

Octobre 2015

Action 3

Recommandations concernant la conception de règles nationales visant à renforcer les règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées

Octobre 2015

Action 4

Recommandations concernant la conception de règles nationales visant à limiter l’érosion de la base d’imposition via les déductions d’intérêts et autres frais financiers

Octobre 2015

Modifications des règles de calcul des prix de transfert visant à limiter l’érosion de la base d’imposition via les déductions d’intérêts et autres frais financiers

Décembre 2016

Action 5

Finaliser l’examen des régimes en vigueur dans les pays membres en vue de lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables.

Septembre 2014

Stratégie visant à accroître la participation des économies non membres de l’OCDE en vue de lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables

Octobre 2015

Révision des critères existants visant à lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables

Décembre 2015

Action 6

Recommandations concernant la conception de règles nationales et de dispositions conventionnelles visant à empêcher l’utilisation abusive des conventions fiscales

Octobre 2015

Action 7

Dispositions conventionnelles destinées à empêcher les mesures visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable

Octobre 2015

Action 8

Modifications des règles de calcul des prix de transfert applicables aux biens incorporels

Octobre 2015

Action 9

Modifications des règles de calcul des prix de transfert concernant les risques et le capital

Octobre 2015

Action 10

Modifications des règles de calcul des prix de transfert concernant les autres transactions à haut risque

Octobre 2015

Action 11

Recommandations concernant les données à collecter sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices et les méthodes d’analyse

Octobre 2015

Action 12

Recommandations concernant la conception de règles nationales visant à obliger les contribuables à faire connaître leurs dispositifs de planification fiscale agressive

Octobre 2015

Action 13

Modifications des règles de calcul des prix de transfert applicables aux exigences de documentation

Octobre 2016

Action 14

Dispositions conventionnelles permettant d’accroître l’efficacité des mécanismes de règlement des différends

Octobre 2015

Action 15

Rapport visant à élaborer un instrument multilatéral permettant de mettre en œuvre les mesures arrêtées lors des travaux relatifs à l’érosion de la base d’imposition et au transfert de bénéfices

Octobre 2015

Mise au point d’un instrument multilatéral

Juin 2017

Les 15 actions du projet BEPS ont été adoptées lors du sommet qui s'est tenu à Antalya les 15 et 16 novembre 2015. L'action 15 consiste en une une mise au point d'un instrument multilatéral.

La convention multilatérale

Le mercredi 7 juin 2017 à Paris, au cours d'une cérémonie de signature, les ministres et hauts représentants de 77 pays et juridictions ont signé ou ont déclaré leur intention de signer une convention multilatérale permettant d'intégrer les principes du projet BEPS de l'OCDE dans le cadre de nombreuses conventions fiscales bilatérales.

Une centaine de pays ont travaillé ensemble afin de transposer les mesures préconisées dans le cadre du BEPS dans leur législation nationale et dans les conventions fiscales bilatérales.

Compte tenu du nombre important de conventions bilatérales (plus de 1.100), une mise à jour individuelle de chacune de ces conventions aurait pris un temps considérable. La nouvelle convention multilatérale permet d'éviter tout ce travail fastidieux et de gagner plusieurs années en faveur de la lutte contre l'évasion fiscale. Une fois ratifiée par chacun des États signataires, la convention multilatérale modifiera les conventions fiscales bilatérales existantes.

Les mesures prévues par la convention multilatérale portent sur les thèmes suivants :

  • les dispositifs hybrides 
  • l'utilisation abusive des conventions 
  • la définition de l'établissemement stable 
  • la procédure amiable 
  • une disposition facultative sur l’arbitrage obligatoire et contraignant (28 signataires).

94 Etats ou juridictions ont à ce jour signé la convention multilarale.

Taux d'IS minimum

Parallèlement au projet BEPS, le jeudi 1er juillet 2021, dans le cadre de l’OCDE, 130 pays ou territoires ont adopté un accord relatif à la réforme des règles fiscales internationales d’imposition des multinationales. Ce nombre est désormais porté à 140 pays.

Le 5 juin 2021 déjà, le G7 Finance était tombé d’accord sur l’application d’un taux d’IS minimum à 15% au niveau mondial, mais également sur les règles de répartition de l’impôt sur les bénéfices entre pays où sont présentes les multinationales du numérique.

L’objectif de l’accord est d’assurer le paiement des impôts des multinationales là où elles exercent leurs activités et génèrent des bénéfices.

L’accord comprend 2 piliers :

  • Pilier n°1 : il garantit une répartition plus équitable de l’impôt sur les bénéfices dû par les multinationales, dont celles du numérique. Il permettra une restitution d’une partie du produit fiscal aux pays de marché dans lesquels elles exercent des activités commerciales qu’elles aient ou non une présence physique. Cette réallocation ne s’appliquerait qu’aux activités excédant une marge de 10%. Entre 20% et 30% du bénéfice résiduel serait ainsi réattribué. L’OCDE estime le gain de réallocation à 100 milliards $.
  • Pilier n°2 : il introduit un taux d’impôt sur les bénéfices minimum mondial à 15%. Son instauration devrait générer environ 150 milliards $ de recettes fiscales supplémentaires par an au niveau mondial.

Le 15 décembre 2022, les 27 Etats membres de l'Union européenne ont approuvé ce texte pour la partie relative au pilier n°2. La loi de finances pour 2024 a transposé en droit français la directive européenne UE 2022/2523. Les règles d’imposition minimale s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023.