La théorie du risque excessif

Jurisprudence
Revenus de placements

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Contexte de l'affaire

CE 13-7-2016 no 375801

On parle d'acte anormal de gestion une décision, qui malgré sa légalité, ne rentre pas dans l'intérêt de l'entreprise et peut donc faire l'objet d'une redressement.

La théorie du risque manifestement excessif amène à qualifier d’acte anormal de gestion une opération excédant manifestement les risques qu’un chef d’entreprise peut être conduit à prendre pour améliorer la situation de son entreprise.

En l'espèce, une banque avait consenti à une société spécialisée dans les nouvelles technologies d'importants concours financiers. Peu de temps après, elle constitua des provisions pour risque de non recouvrement de ces créances.

A l'issu d'une vérification de comptabilité, l'administration réintégra dans le résultat de la Banque une partie de la provision, au motif que celle-ci n'avait pas agi dans le cadre d'une gestion commerciale normale.

Les juges du fond rejetèrent la demande des requérants en suivant l'argumentation de l'administration.

Cette position est rejetée par le Conseil d'Etat. Pour la Haute Juridiction, l'administration n’a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise et notamment pas sur l'ampleur des risques pris par elle pour améliorer ses résultats.

Extrait de l'arrêt

2. Il résulte des dispositions combinées des articles 38 et 39 du code général des impôts, applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code, que le bénéfice net est établi sous déduction des charges, comprenant notamment des provisions, supportées dans l'intérêt de l'entreprise. En revanche, ne peuvent être déduites du bénéfice net passible de l'impôt sur les sociétés les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges étrangères à une gestion commerciale normale.

3. C'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d'une gestion commerciale normale. Indépendamment du cas de détournements de fonds rendus possibles par le comportement délibéré ou la carence manifeste des dirigeants, il n'appartient pas à l'administration, dans ce cadre, de se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par l'entreprise et notamment pas sur l'ampleur des risques pris par elle pour améliorer ses résultats.

4. Pour juger que l'administration devait être regardée comme établissant que la poursuite, par l'agence de Strasbourg, de l'octroi des crédits litigieux à la société KMX Technologie entre le 31 décembre 2000 et le 31 décembre 2004, bien qu'entrant dans l'objet social de la société Monte Paschi Banque, constituait un acte étranger à une gestion commerciale normale insusceptible d'ouvrir droit à la comptabilisation d'une provision déductible du bénéfice imposable, la cour s'est bornée à relever que l'ensemble des circonstances de l'espèce devait être regardée comme révélant une " prise de risque inconsidérée de la banque ". En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait seulement de rechercher si les décisions en cause étaient conformes à l'intérêt de l'entreprise, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur l'ampleur des risques pris, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé. 

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la SA Monte Paschi Banque, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 

Cour de cassation du , arrêt n°375801

Commentaire de LégiFiscal

Le Conseil d'Etat abandonne sa théorie du risque manifestement excessif et vient mettre un coup d'arrêt significatif à la possibilité offerte à l'administration de s'immiscer dans la gestion de l'entreprise.

L'incrimination d'acte anormal de gestion voit son champ d'application particulièrement réduit.