Contexte de l'affaire
CE 6 juillet 2016 n°377904
En cas decession de parts de sociétés de personnes, la plus ou moins-value réalisée doit faire l'objet d'un certain nombre de retraitements, afin que l'associé ne soit pas imposé deux fois sur le même profit ou ne déduise deux fois la même perte.
Ainsi, le prix de revient fiscal des parts, pris en compte pour le calcul de la plus-value, doit être majoré des bénéfices imposés et des pertes comblées et minoré des bénéfices répartis et des déficits déduits (jurisprudence Quemener).
En l'espèce, deux sociétés ont acquis de leur société mère, installée au Luxembourg, les titres de sociétés anonymes de droit luxembourgeois détenant les titres de SCI françaises, lesquelles détenaient chacune un immeuble. Ces deux sociétés ont procédé à la dissolution des sociétés anonymes de droit luxembourgeois avec transmission universelle de patrimoine après que ces dernières ont réévalué la valeur des titres des SCI françaises. Le produit résultant de cette opération n'a pas été imposé en France et les SCI, désormais détenues par les sociétés requérantes, ont procédé à la réévaluation libre de la valeur de leurs immeubles, ce qui a généré un produit exceptionnel entraînant des résultats bénéficiaires pour ces SCI. Cette réévaluation a été appréhendée fiscalement par les sociétés requérantes, qui ont procédé à la dissolution avec avec transmission universelle de patrimoine des SCI, ce qui a conduit à l'annulation des parts dans celles-ci.
Les sociétés requérantes considéraient que pour le calcul de la plus-value imposable réalisée lors de l'annulation des titres, le prix de revient des parts devait être majoré de la plus-value générée par la réévaluation des actifs.
Le Conseil d'Etat leur répond que cette réévaluation, si elle est imposable, n'a pas été effectivement imposée du fait de l'application de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg. Elle ne doit donc pas être prise en considération pour le calcul de la plus-value.
Extrait de l'arrêt
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 28 mars 2006, les sociétés X et Y ont acquis de leur société mère, installée au Luxembourg, les titres de sociétés anonymes de droit luxembourgeois détenant les titres de sociétés civiles immobilières françaises, lesquelles détenaient chacune un immeuble ; que le 29 mars 2006, les deux sociétés requérantes ont procédé à la dissolution des sociétés anonymes de droit luxembourgeois avec transmission universelle de patrimoine après que ces dernières ont réévalué la valeur des titres des sociétés civiles immobilières françaises ; que le produit en résultant n'a pas été imposé en France ; que le 30 mars 2006, les sociétés civiles immobilières, désormais détenues par les sociétés requérantes, ont procédé à la réévaluation libre de la valeur de leurs immeubles, ce qui a généré un produit exceptionnel entraînant des résultats bénéficiaires pour ces sociétés civiles immobilières ; que l'écart de réévaluation a été fiscalement appréhendé par les sociétés requérantes conformément à l'article 8 du code général des impôts ; que le 31 mars 2006, ces sociétés ont procédé à la dissolution avec transmission universelle de patrimoine des sociétés civiles immobilières, ce qui a conduit à l'annulation des titres de celles-ci et à l'intégration des immeubles des sociétés dans leur actif ; que lors de la détermination de leur résultat fiscal, elles ont procédé à des corrections de leurs résultats comptables en réintégrant la somme composée des résultats fiscaux des sociétés civiles immobilières à la date de la transmission universelle de patrimoine puis déduit une somme approximativement comparable composée des résultats fiscaux diminués des boni de confusion constatés lors de la transmission universelle de patrimoine et dégagé un résultat fiscal négatif, en se prévalant de la règle énoncée au point 2, ce qui a conduit à déterminer une moins-value résultant de l'annulation des titres des sociétés civiles immobilières inscrits à leur actif ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de ces sociétés, l'administration fiscale a remis en cause les déductions extracomptables ; que le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre les arrêts du 18 février 2014 par lesquels la cour administrative d'appel de Paris a rejeté ses appels formés contre les deux jugements du 18 juillet 2012 du tribunal administratif de Paris accordant aux sociétés la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de ces redressements ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si les sociétés requérantes invoquaient la double imposition économique des plus-values constatées sur les immeubles résultant de l'imposition des gains de cession des titres des sociétés civiles immobilières dans les mains des sociétés anonymes luxembourgeoises qui les détenaient, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ces gains n'aient pas été effectivement soumis à l'impôt en France en application de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958, elles ne contestaient pas ne pas avoir fait l'objet elles-mêmes d'une double imposition fiscale des plus-values constatées sur les immeubles lors de leur réévaluation le 30 mars 2006 par les sociétés civiles immobilières ; que, par suite, la cour a commis une erreur de droit en jugeant que les règles rappelées au point 2 devaient, en l'espèce, conduire à majorer le prix d'acquisition des parts des sociétés civiles immobilières du montant du bénéfice tiré de la réévaluation des immeubles inscrits à leur actif au motif que l'écart de réévaluation avait été fiscalement appréhendé par les sociétés X et Y, sans rechercher si la plus-value avait déjà été imposée au nom des sociétés au titre de l'annulation des titres des sociétés civiles immobilières ; que le ministre est, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de ses pourvois, fondé à demander l'annulation des arrêts qu'il attaque ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
Commentaire de LégiFiscal
Cet arrêt va dans le sens de la jurisprudence Quemener. Il est ainsi logique que ne soit pris en compte, pour la détermination du prix de revient des parts, que les bénéfices effectivement imposés. En effet, cette jurisprudence vise à neutraliser les doubles impositions.