Mentions sur la facture et droit à déduction de TVA

Jurisprudence

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Contexte de l'affaire

CJUE 4e ch. 15-9-2016 aff. 516/14 

Une société de droit portugais avait eu recours à une société d'avocats lui ayant transmis 4 factures et avait déduit la TVA figurant sur cette facture.

A la suite d'une demande de remboursement de TVA, le preneur s'était vu refuser la déduction de la taxe par les autorités compétentes,  au motif que les descriptions figurant sur les factures en cause étaient insuffisantes. En effet, les mentions suivantes étaient notifiées :« services juridiquesfournis depuis [une certaine date] jusqu’à aujourd’hui » ou « services juridiques fournis jusqu’à aujourd’hui », ce qui n'était pas suffisant pour les autorités. Selon celles-ci, il ne pouvait être remédié à ce défaut de forme légale par l’ajout d’annexes attestant des éléments manquants, dès lors que celles ci ne constituent pas des documents équivalents aux factures. 

Un tribunal d'arbitrage local fut saisi afin de trancher le litige et celui-ci renvoya la question préjudicielle devant la Cour de justice de l'Union européenne.

Celle-ci juge qu'un redevable ne peut se voir refuser le droit à déduction de la TVA au seul motif que la facture n’a pas été établie conformément à l’article 226 de la directive TVAdu fait de l’omission ou de l’inexactitude de certaines mentions devant y figurer en vertu de cet article, dès lors que l'administration fiscale dispose de toutes les informations nécessaires pour vérifier que les conditions de fond relatives à l’exercice de ce droit sont satisfaites.

Ainsi, pour la Cour, les conditions de fond priment sur les conditions de forme.

Extraits de l'arrêt

41      En ce qui concerne les conditions formelles relatives à l’exercice dudit droit, il ressort de l’article 178, sous a), de la directive 2006/112 que l’exercice de celui-ci est subordonné à la détention d’une facture établie conformément à l’article 226 de cette directive (voir, en ce sens, arrêts du 1er mars 2012, Kopalnia Odkrywkowa Polski Trawertyn P. Granatowicz, M. W?siewicz, C 280/10, EU:C:2012:107, point 41, et du 22 octobre 2015, PPUH Stehcemp, C 277/14, EU:C:2015:719, point 29). 42      La Cour a jugé que le principe fondamental de neutralité de la TVA exige que la déduction de celle-ci en amont soit accordée si les conditions matérielles sont satisfaites, même si certaines conditions formelles ont été omises par les assujettis. En conséquence, dès lors que l’administration fiscale dispose des données nécessaires pour établir que les conditions matérielles sont satisfaites, elle ne saurait imposer, en ce qui concerne le droit de l’assujetti de déduire cette taxe, des conditions supplémentaires pouvant avoir pour effet de réduire à néant l’exercice de ce droit (voir, en ce sens, arrêts du 21 octobre 2010, Nidera Handelscompagnie, C 385/09, EU:C:2010:627, point

42 ; du 1er mars 2012, Kopalnia Odkrywkowa Polski Trawertyn P. Granatowicz, M. W?siewicz, C 280/10, EU:C:2012:107, point 43, et du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean, C 183/14, EU:C:2015:454, points 58 et 59 ainsi que jurisprudence citée).

43      Il s’ensuit que l’administration fiscale ne saurait refuser le droit à déduction de la TVA au seul motif qu’une facture ne remplit pas les conditions requises par l’article 226, points 6 et 7, de la directive 2006/112 si elle dispose de toutes les données pour vérifier que les conditions de fond relatives à ce droit sont satisfaites.

44      À cet égard, l’administration fiscale ne saurait se limiter à l’examen de la facture elle-même. Elle doit également tenir compte des informations complémentaires fournies par l’assujetti. Ce constat est confirmé par l’article 219 de la directive 2006/112 qui assimile à une facture tout document ou message qui modifie la facture initiale et y fait référence de façon spécifique et non équivoque.

45      Dans l’affaire au principal, il appartient dès lors à la juridiction de renvoi de tenir compte de toutes les informations incluses sur les factures en cause et sur les documents annexes apportés par Barlis pour vérifier si les conditions de fond de son droit à déduction de la TVA sont satisfaites.

46      Dans ce contexte, il y a lieu de souligner, en premier lieu, qu’il incombe à l’assujetti qui demande la déduction de la TVA d’établir qu’il répond aux conditions prévues pour en bénéficier (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Evita-K, C 78/12, EU:C:2013:486, point 37). Les autorités fiscales peuvent donc exiger de l’assujetti lui-même les preuves qu’elles jugent nécessaires pour apprécier s’il y a lieu ou non d’accorder la déduction demandée (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2007, Twoh International, C 184/05, EU:C:2007:550, point 35).

47      En second lieu, il convient de préciser que les États membres sont compétents pour prévoir des sanctions en cas de non-respect des conditions formelles relatives à l’exercice du droit à déduction de la TVA. En vertu de l’article 273 de la directive 2006/112, les États membres ont la faculté d’adopter des mesures afin d’assurer l’exacte perception de la taxe et d’éviter la fraude à condition que ces mesures n’aillent ni au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs ni ne remettent en cause la neutralité de la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean, C 183/14, EU:C:2015:454, point 62).

49      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la seconde partie de la question posée que l’article 178, sous a), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les autorités fiscales nationales puissent refuser le droit à déduction de la TVA pour la seule raison que l’assujetti détient une facture qui ne remplit pas les conditions requises par l’article 226, points 6 et 7, de cette directive, alors que ces autorités disposent de toutes les informations nécessaires pour vérifier que les conditions de fond relatives à l’exercice de ce droit sont satisfaites.

Cour de cassation du , arrêt n°516 14

Commentaire de LégiFiscal

La Cour de justice de l'Union européenne assouplit considérablement sa position. En effet, on peut considérer qu'elle vient relativiser l'obligation de faire figurer sur la facture certaines mentions obligatoires si l'administration dispose des éléments matériels permettant de déterminer si le droit à déduction peut s'appliquer.