La décision du Conseil constitutionnel sur le registre des trusts

Jurisprudence

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Contexte de l'affaire

Cons.Const. QPC 21-10-2016 n°2016-591

On rappelle que les trusts constituent un véhicule juridique provenant des pays anglo saxons permettant en particulier de gérer un patrimoine. Ainsi, un individu ou une personne morale (le constituant) transfère des actifs à un trust et confère le contrôle de ceux-ci à un tiers pour le compte d'un bénéficiaire.

Certains trusts ont des liens avec le territoire français (pour gérer des actifs mobiliers ou immobiliers notamment), et ainsi, la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte fiscale exige que ceux-ci soient recensés dans un registre public.

Ce registre a été mis en ligne le 5 juillet en application du décret 2016-567 du10 mai 2016.

Une requête en référé a été introduite le 23 juin 2016 devant le Conseil d'Etat afin d'obtenir la suspension puis l'annulation du décret susvisé.

La question de la conformité de ce décret au regard des garanties constitutionnelles en matière de respect de la vie privée a été transmise par la Haute juridiction administrative au Conseil constitutionnel.

Celui-ci a considéré que le registre public des trusts est contraire à la Constitution. En effet, pour le Conseil, le fait que le registre mette à la disposition du public des informations concernant les noms du constituant, des bénéficiaires et de l'administrateur d'un trust fournit des informations sur la manière dont une personne entend disposer de son patrimoine. Celà constitue une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi au respect de la vie privée.

Extrait de l'arrêt

5. En favorisant, par les dispositions contestées, la transparence sur les trusts, le législateur a entendu éviter leur utilisation à des fins d'évasion fiscale et de blanchiment des capitaux. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. 

6. La mention, dans un registre accessible au public, des noms du constituant, des bénéficiaires et de l'administrateur d'un trust fournit des informations sur la manière dont une personne entend disposer de son patrimoine. Il en résulte une atteinte au droit au respect de la vie privée. Or, le législateur, qui n'a pas précisé la qualité ni les motifs justifiant la consultation du registre, n'a pas limité le cercle des personnes ayant accès aux données de ce registre, placé sous la responsabilité de l'administration fiscale. Dès lors, les dispositions contestées portent au droit au respect de la vie privée une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, le deuxième alinéa de l'article 1649 AB du code général des impôts doit être déclaré contraire à la Constitution. 

Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 

7. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 

8. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. 

Cour de cassation du , arrêt n°2016-591

Commentaire de LégiFiscal

C'est un camouflet pour le gouvernement, qui avait créé ce registre afin de favoriser la transparence des montages juridiques et financiers.

Il conviendra de voir si celui-ci renonce totalement à l'idée d'instaurer un registre des trusts ou allégera simplement les informations devant être mentionnées sur celui-ci.