Contexte de l'affaire
CE 9e-10e ch. QPC 27-10-2016 n° 391678
Le crédit d'impôt collection est une variante du crédit d'impôt recherche, assise sur les dépenses relatives à l'élaboration de nouvelles collections des entreprises du secteur textile - habillement - cuir (salaires et charges sociales des stylistes, frais de dépôt et de défense des dessins et modèles, dotations aux amortissements...). Son taux est de 30%.
Cet avantage fiscal ne concerne que les entreprises industrielles et ainsi, les entreprises commerciales ne sont concernées, ce qui peut être considéré comme discriminatoire, considérant le fait que ces dernières peuvent supporter des dépenses de confection de nouvelles collections.
C'est ce traitement différentiel qui est au centre de la question de constitutionnalité posée par le Conseil d'Etat.
En effet, en l'espèce, les requérants considèrent que l'article 244 quater B du CGI (qui institue le crédit d'impôt collection) est contraire au principe d'égalité devant la loi garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme, en instituant une inégalité de traitement entre les entreprises commerciales et industrielles, qui ne serait pas justifiée par un motif d'intérêt général.
Le Conseil d'Etat considère que cette question de constitutionnalité présente un caractère sérieux et la renvoie devant le Conseil constitutionnel.
Extraits de l'arrêt
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...). / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont:/ (...) h) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir (...) ". Revêtent un caractère industriel, au sens de ces dispositions, les entreprises du secteur textile-habillement-cuir exerçant une activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers qui nécessite d'importants moyens techniques.
3. Ces dispositions, applicables au litige, n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. La question de savoir si elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment aux principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, compte tenu, d'une part, de ce qu'elles institueraient une inégalité de traitement au préjudice des entreprises commerciales du secteur textile-habillement-cuir qui supportent, comme les entreprises regardées comme industrielles, des dépenses de recherche liées à l'élaboration de nouvelles collections et, d'autre part, de ce que cette différence de traitement ne serait pas justifiée par un motif d'intérêt général et ne présenterait aucun rapport direct avec l'objet de la loi, présente un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
Commentaire de LégiFiscal
Une censure du Conseil constitutionnel mettrait fin à une véritable situation inégalitaire et à une étrangeté législative, considérant le fait que le crédit d'impôt recherche (et les autres crédits d'impôt par ailleurs) bénéficient à toutes les entreprises exerçant une activité professionnelle.
Les entreprises commerciales supportant des dépenses relatives à l'élaboration de nouvelles collections peuvent attendre avec impatience la décision du Conseil.