Contexte de l'affaire
CE 8 juin 2016 n° 381289, Section, B
Le principe FIFO (first in first out) ou PEPS (premier entré premier sorti) est une méthode d'évaluation permettant de déterminer la valeur de stocks ou de valeurs mobilières.
Ainsi, selon cette méthode, on considère que les premiers titres entrées dans le patrimoine sont les premiers sortis.
Exemple: Un contribuable fait l'acquisition:
- de 100 titres en 2010, dont la valeur nominale est de 200 euros,
- de 150 titres en 2013, dont la valeur nominale est de 150 euros.
Il revend 80 titres en 2016 à 300 euros le titre. On considère que la cession a porté sur des titres acquis en 2010 (les premiers acquis) et ainsi, le montant de la plus-value brute pour chaque titre est de 300 - 200 = 100 euros. En outre, on prend la date d'acquisition de ces titres pour déterminer la durée de détention, afin de calculer l'abattement pour durée de détention applicable. Celle-ci est de 6 ans, ce qui permet de bénéficier d'un abattement de 50%.
La méthode FIFO concerne en l'espèce les titres fongibles, considérant le fait que l'on peut déterminer la date d'acquisition de chaque titre numéroté.
En l'espèce, un contribuable avait acquis en 1999 des parts numérotées d'une EARL, transformée ensuite en société civile. Cette dernière a ensuite procéder à une augmentation de capital souscrite par le contribuable qui a immédiatement cédé les parts nouvellement acquises à une autre société (aucune plus-value n'a été constatée du fait de la concommitance des opérations).
L'administration a redressé le contribuable, considérant que la cession devait porter sur les parts les plus anciennes (méthode FIFO)
Les juges du fond ont validé la position de l'administration et le Conseil d'Etat confirme celle-ci. En effet, en vertu de l'article 39 duodecies du CGI (concernant les plus-values professionnelles), la règle du premier entrée premier sorti s'applique à l'ensemble des titres cédés, même si ceux-ci sont numérotés. Ainsi, il n'est pas possible d'individualiser ceux-ci et la présomption posée à l'article 39 duodecies du CGI est irréfragable.
Extraits de l'arrêt
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...B...a acquis, en 1999, 9 124 des 9 624 parts numérotées de l'EARL VignobleB..., d'une valeur nominale de 100 francs (15,24 euros) par part ; que cette EARL a été ultérieurement transformée en société civile d'exploitation viticole (SCEV) ; que, le 5 juillet 2005, cette société a procédé à une augmentation de capital intégralement souscrite par M. B..., sous la forme d'un apport de 193 828 euros en contrepartie de l'attribution de 4 124 parts supplémentaires numérotées, le coût unitaire d'acquisition de ces parts nouvelles s'établissant ainsi à 47 euros ; que, le même jour, M. B...a cédé l'ensemble de ces 4 124 parts, pour un prix unitaire de 47 euros, à une société civile dont il était le gérant ; que cette cession n'a donné lieu à aucune déclaration de plus-value auprès de l'administration fiscale ; qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de la SCEV, l'administration fiscale a estimé qu'en application des dispositions du 6 de l'article 39 duodecies du code général des impôts, la cession intervenue le 5 juillet 2005 devait être réputée avoir porté sur les parts les plus anciennes du portefeuille d'actifs professionnels de M.B..., c'est-à-dire, en l'espèce, sur des parts sociales acquises en 1999 à un coût égal à leur valeur nominale ; que l'administration fiscale en a déduit que cette cession avait fait naître, au titre de l'année 2005, une plus-value imposable à l'impôt sur le revenu, selon le régime des plus-values professionnelles à long terme, ainsi qu'aux contributions sociales ;
2. Considérant, en premier lieu, que le I de l'article 151 nonies du code général des impôts disposait, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, que : " Lorsqu'un contribuable exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles réels (...), ses droits ou parts dans la société sont considérés notamment pour l'application des articles 38, 72 et 93, comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession (...) " ; que l'article 39 duodecies du même code disposait que : " 1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : a) aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans (...) 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2. (...) 6. Pour l'application du présent article, les cessions de titres compris dans le portefeuille sont réputées porter par priorité sur les titres de même nature acquis ou souscrits à la date la plus ancienne (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 39 duodecies cité ci-dessus ainsi, au demeurant, que des travaux préparatoires à l'adoption du paragraphe 5 de l'article 9 de la loi du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers duquel ces dispositions sont issues, que le législateur a entendu fixer, sous la seule réserve des dérogations expressément prévues au même article, la règle selon laquelle, lorsqu'un contribuable qui relève des dispositions du I de l'article 151 nonies cède des valeurs mobilières constituant des éléments d'actif affectés à l'exercice de sa profession, ces cessions sont réputées porter sur les titres de même nature acquis ou souscrits à la date la plus ancienne, quelle qu'en soit la date d'acquisition effective ; qu'en jugeant que, faute d'entrer dans le champ d'aucune des dérogations prévues à l'article 39 duodecies du code général des impôts, la cession litigieuse devait être réputée porter sur des titres de portefeuille, au sens et pour l'application des dispositions du 6 de cet article, et que la numérotation des parts cédées par M. B...n'était pas de nature à faire obstacle à l'application de la règle analysée ci-dessus, alors même qu'une telle numérotation aurait permis d'établir la date exacte d'acquisition et le coût réel d'acquisition de chacun des titres cédés, la cour n'a pas méconnu les dispositions législatives précitées et a donné une exacte qualification juridique aux faits qui lui étaient soumis ; qu'elle n'était pas tenue de répondre à chacun des arguments soulevés devant elle ni d'adopter une motivation différente de celle qu'avaient retenue les premiers juges et a suffisamment motivé son arrêt sur ce point ;
Commentaire de LégiFiscal
Cette interprétation des textes est très rigoureuse et méconnaît la réalité de l'opération. En effet, quand la cession porte sur des titres numérotées, il n'est pas nécessaire d'utiliser la méthode FIFO puisque ces titres sont individualisables et on peut connaître avec précision leur date d'acquisition.
Toutefois, on peut considérer que cette solution ne concerne que les plus-values professionnelles, l'utilisation de cette méthode étant expressément mentionnée à l'article 39 duodecies du CGI