Contrôle fiscal concernant des époux divorcés

Jurisprudence
Revenus de placements

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Contexte de l'affaire

CE 3e-8e ch. 3-10-2016 n° 392899

Des époux doivent effectuer une déclaration commune tant qu'ils ne sont pas divorcés. Ils doivent souscrire, au titre de l'année du divorce, deux déclarations séparées dans lesquelles ils doivent mentionner leurs revenus propres et répartir leurs revenus communs.

En l'espèce, des personnes divorcées faisaient l'objet d'une procédure de rectification visant leur période d'imposition commune. Le mari avait détourné des sommes qui furent réintégrées par l'administration dans les revenus imposables du couple. Ainsi, les rehaussements d'impôt sur le revenu consécutifs à cette procédure, furent mis à la charge de son ex épouse, du fait de la solidarité entre époux prévue à l'article L54A du livre des procédures fiscales.

Les juges du fond donnèrent raison à l'administration, ce qui conduisit l'ex épouse à faire un pourvoi en cassation.

Dans celui-ci, elle fit valoir que la proposition de rectification qui lui avait été notifiée était insuffisamment motivée en ce qu'elle se bornait à faire référence à la proposition de rectification notifiée à son ex-époux le 23 mars 2011 et que l'administration n'était pas tenue de répondre à ses observations.

Le Conseil d'Etat rejette cet argumentaire. En effet, pour lui, l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales institue une présomption irréfragable de représentation mutuelle entre personnes mariées ou pacsées pour la procédure de contrôle relative à la période d'imposition commune. L'administration peut ainsi ne conduire la procédure de contrôle engagée qu'avec l'une d'entre elles, qui bénéficie alors seule des droits et garanties relatifs à cette procédure. 

Extraits de l'arrêt

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 1er juillet 2010, confirmé par la cour d'appel de Paris le 22 mars 2012, le tribunal de grande instance d'Auxerre a reconnu coupable M.C..., divorcé de Mme A...en 2004, de détournements de fonds réalisés en 2001 et 2002 au préjudice de la SNC Pharmacie Principale dont son ex-épouse était gérante et associée. Les sommes détournées ont été réintégrées dans les revenus imposables de M. et Mme C...au titre de leur imposition conjointe de 2001 et 2002 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Mme A...demande l'annulation de l'arrêt du 23 juin 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre le jugement du 11 septembre 2014 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge ainsi que de la majoration prévue par le a de l'article 1729 du code général des impôts.

Sur la régularité de la procédure d'imposition : 

2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa du 1 de l'article 6 du code général des impôts : " (...) les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles (...) ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédé de la mention "Monsieur ou Madame" ". Aux termes de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales : " (...) chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un deux sont opposables de plein droit à l'autre ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". 

3. L'article L. 54 A du livre des procédures fiscales précité institue une présomption irréfragable de représentation mutuelle entre les personnes soumises à imposition commune pour la procédure de contrôle de l'impôt dû au titre des revenus perçus au cours de la période d'imposition commune. Lorsque deux personnes précédemment soumises à imposition commune font l'objet, alors qu'elles sont désormais soumises à imposition distincte, d'un contrôle au titre de leur période d'imposition commune, ces dispositions autorisent l'administration à ne conduire la procédure de contrôle ainsi engagée qu'avec l'une d'entre elles, qui bénéficie alors seule des droits et garanties afférents à cette procédure. 

4. Après avoir relevé que, pour les années en litige, M. C...et Mme A... étaient soumis à une imposition commune des revenus perçus par chacun d'eux et que la procédure d'imposition avait été suivie avec M.C..., la cour a pu juger, sans commettre d'erreur de droit et par un arrêt suffisamment motivé, que Mme A...ne pouvait utilement soutenir, au titre de la régularité de la procédure d'imposition, que le document qu'elle avait reçu le 24 mars 2011 était insuffisamment motivé en ce qu'il se bornait à faire référence à la proposition de rectification notifiée à son ex-époux le 23 mars 2011 et que l'administration n'était pas tenue de répondre à ses observations.

5. En second lieu, aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ". Les majorations d'imposition prévues à l'article 1729 code général des impôts en cas de mauvaise foi constituant des " accusations en matière pénale " au sens de ces stipulations, les principes que celles-ci énoncent sont applicables à la contestation de ces pénalités devant le juge de l'impôt, y compris pour leur procédure d'établissement. 

6. Par suite, en jugeant, au motif que les stipulations précitées ne sont pas applicables aux procédures contentieuses suivies devant le juge de l'impôt, que le moyen tiré de leur méconnaissance était inopérant, alors même que la procédure d'imposition contestée en l'espèce concernait également les pénalités fiscales mises à la charge du foyer fiscal, la cour a commis une erreur de droit.

Cour de cassation du , arrêt n°392899

Commentaire de LégiFiscal

Le Conseil d'Etat interprète littéralement l'article L54A du CGI, ce qui peut sembler très sévère vis à vis de la requérante, si l'on regarde les circonstances (détournement de fonds réalisé par l'ex mari).

La Haute juridiction a voulu rappeler que la solidarité entre époux est absolue durant la période d'imposition commune.