Entités situées dans un paradis fiscal: le Conseil constitutionnel saisi

Jurisprudence
Patrimoine mobilier

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Contexte de l'affaire

CE QPC 16-12-2016 no 404270

En vertu des dispositions de l'article 123 bis du CGI, les personnes physiques détenant 10% au moins des droits financiers ou des droits de vote dans une entité financière établie hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié sont imposables dans la catégorie des traitements et salaires à raison de ces participations.

Il est possible d'écarter ces dispositions si le recours à une entité située dans l'Union européenne ne relève pas d'un montage artificiel.

En l'espèce, un contribuable demanda l'annulation pour excès de pouvoir d'un document intitulé " Déclarations rectificatives des avoirs détenus à l'étranger et non déclarés - modalités pratiques et conséquences fiscales ", rédigé sous la forme d'une foire aux questions (FAQ) ayant vocation à répondre aux diverses interrogations sur le dispositif de régularisation des avoirs détenus à l'étranger, mis en ligne sur le site du ministère des finances, en tant qu'il rappelle les cas d'interposition de structures étrangères pour lesquels les dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts s'appliquent.

Il soutenait que l'article 123 bis du CGI méconnaît le principe d'égalité devant l'impôt garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. En effet, selon lui, cet article n'autorise pas le contribuable à apporter la preuve de ce que l'interposition d'une structure établie hors d'un Etat membre de l'Union européenne n'a ni pour objet, ni pour effet de lui permettre, dans un but de fraude fiscale, d'appréhender des bénéfices ou produits dans un Etat soumis à un régime fiscal privilégié et qu'il prévoit, s'agissant d'un Etat non coopératif ou n'ayant pas conclu de convention administrative avec la France, une valeur plancher au revenu imposable, calculée de façon théorique en fonction de l'actif net de la structure et d'un taux d'intérêt.

Cette question de constitutionnalité est jugée sérieuse par le Conseil d'Etat qui la renvoie devant le Conseil constitutionnel.

Extraits de l'arrêt

1. Aux termes de l'article 123 bis du code général des impôts : " 1. Lorsqu'une personne physique domiciliée en France détient directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique-personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable-établie ou constituée hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié, les bénéfices ou les revenus positifs de cette entité juridique sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de cette personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement lorsque l'actif ou les biens de la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable sont principalement constitués de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants (...)./ 3. (...) lorsque l'entité juridique est établie ou constituée dans un Etat ou territoire n'ayant pas conclu de convention d'assistance administrative avec la France, ou qui est non coopératif au sens de l'article 238-0 A le revenu imposable de la personne physique ne peut être inférieur au produit de la fraction de l'actif net ou de la valeur nette des biens de la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable, calculée dans les conditions fixées au 1, par un taux égal à celui mentionné au 3° du 1 de l'article 39 (...) ".

2. M. B...demande l'annulation pour excès de pouvoir du document intitulé " Déclarations rectificatives des avoirs détenus à l'étranger et non déclarés - modalités pratiques et conséquences fiscales ", rédigé sous la forme d'une foire aux questions (FAQ) ayant vocation à répondre aux diverses interrogations sur le dispositif de régularisation des avoirs détenus à l'étranger, mis en ligne sur le site de son ministère le 12 octobre 2015, en tant qu'il rappelle les cas d'interposition de structures étrangères pour lesquels les dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts s'appliquent. 

3. Ces dispositions, applicables au litige, n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. La question de savoir si elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment aux principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elles n'autorisent pas le contribuable à apporter la preuve de ce que l'interposition d'une structure établie hors d'un Etat membre de l'Union européenne n'a ni pour objet, ni pour effet de lui permettre, dans un but de fraude fiscale, d'appréhender des bénéfices ou produits dans un Etat soumis à un régime fiscal privilégié et qu'elles prévoient, s'agissant d'un Etat non coopératif ou n'ayant pas conclu de convention administrative avec la France, une valeur plancher au revenu imposable, calculée de façon théorique en fonction de l'actif net de la structure et d'un taux d'intérêt, présente un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

Cour de cassation du , arrêt n°404270

Commentaire de LégiFiscal

Les questions de constitutionnalité posées sont nombreuses en ce moment, ce qui démontre le succès de cette procédure qui vient apporter un garde fou salutaire.

On attendra la décision du Conseil constitutionnel qui apportera certainement une réponse négative, la lutte contre l'évasion fiscale permettant généralement de prévoir des dispositions dérogatoires