Question de constitutionnalité concernant la soumission aux prélèvements sociaux de personnes non affiliées à un régime de sécurité sociale français

Jurisprudence
Patrimoine mobilier

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Contexte de l'affaire

CE QPC 15 décembre 2016 n°401716

 En vertu de la jurisprudence Ruyter (CJUE 26/02/2015 aff.623/13), les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale dans un Etat membre de l'espace économique européen ne peuvent être soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine en France. Toutefois, cette jurisprudence ne s'appliquent aux personnes affiliées dans un Etat tiers, qui peuvent être soumis aux prélèvements.

 En l'espèce, les requérants soutiennent devant le Conseil d'Etat que cette différence de traitement méconnaît les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme

 Le Conseil constitutionnel juge que la question de constitutionnalité présente un caractère sérieux et la renvoie devant le Conseil constitutionnel.

 Extraits de l'arrêt

 4. En vertu de l'article 13 du règlement du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998, et dont les dispositions sont reprises à l'article 11 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, les personnes auxquelles le règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre. Il résulte de l'interprétation donnée de ces dispositions par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre Gérard de Ruyter, C-623/13, que la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au titre des années 1997 à 2004, dès lors qu'elle était affectée au financement d'un régime de sécurité sociale français, entrait dans le champ d'application du règlement du 14 juin 1971.


5. La contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au présent litige, ne différait pas de celle applicable au titre des années 1997 à 2004 et était toujours affectée au financement d'un régime de sécurité sociale français. Il découle de ce qu'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne, rappelé au point 4, que la contribution perçue au titre de l'année 2007 entre par suite dans le champ du règlement du 29 avril 2004. Elle est donc soumise au principe d'unicité de législation posé par l'article 11 de ce règlement. 


6. Il en résulte qu'une personne relevant d'un régime de sécurité sociale d'un Etat membre autre que la France ne peut être soumise à la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine. En revanche, le règlement du 29 avril 2004 n'étant pas applicable en dehors de l'Union européenne, sauf accord international le prévoyant, ses dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une personne relevant d'un régime de sécurité sociale d'un Etat tiers à l'Union européenne soit assujettie à la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine. M. et Mme A...soutiennent que la différence de traitement qui en résulte pour l'application de la contribution prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, entre les personnes relevant d'un régime de sécurité sociale d'un Etat membre autre que la France et celles relevant d'un régime de sécurité sociale d'un Etat tiers à l'Union européenne, méconnaît les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Selon eux, cette différence de traitement n'est pas justifiée par une différence de situation en rapport avec l'objet de la disposition législative contestée. 

7. Ce moyen soulevant une question présentant un caractère sérieux, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

Cour de cassation du , arrêt n°401716

Commentaire de LégiFiscal

Il était probable que la question de l'application de la jurisprudence Ruyter aux personnes affiliées à un Etat tiers à l'Union européenne allait se poser.

 En l'espèce, le Conseil constitutionnelle devra prendre une décision difficile, qui pourrait avoir des répercussions importantes tant les personnes non domiciliées dans l'UE et percevant des revenus du patrimoine en France sont nombreuses.