Report en arrière des déficits et carry back

Jurisprudence
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Contexte de l'affaire

QPC 17-1-2017 n° 2016-604

 Le cary back ou report en arrière des déficits permet d'imputer sur un bénéfice antérieur un déficit constaté lors d'un exercice.

La réforme de 2011 a considérablement durcit le régime applicable en la matière. Ainsi, désormais le seul bénéfice d'imputation est celui constaté en N-1 (et non plus les 3 exercices bénéficiaires précédant) et le déficit pouvant être reporté est plafonné à 1000 000 euros.

La société requérante fit valoir devant le Conseil d'Etat l'inconstitutionnalité de dispositions de la loi de finances pour 2012 en ce qu'elles prévoient que la réforme susvisée s'applique aux déficits qui restaient à reporter à la clôture de l'exercice précédant le premier exercice clos à compter du 21 septembre 2011 (date de sa mise en application). Ainsi, le caractère rétroactif de ces dispositions était critiqué et était considéré comme contraire au principe de garantie des droits prévu par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Le Conseil d'Etat (CE, 13/10/2016 n°401696) considéra que cette question de constitutionnalité était sérieuse et la renvoya devant le Conseil constitutionnel.

Le Conseil juge contraires à la Constitution les dispositions attaquées. En effet, selon lui, elles portent atteinte à des situations légalement acquises et elles remettent en cause des créances dont le fait générateur était intervenu avant leur entrée en vigueur.

Extraits de la décision

5. Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations. 

6. Le paragraphe II de l'article 2 de la loi du 19 septembre 2011 a modifié l'article 220 quinquies du code général des impôts, afin de réformer le régime du report en arrière des déficits pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés. D'une part, le déficit constaté au titre d'un exercice ne peut plus être imputé que sur le bénéfice de l'exercice précédent, dans la limite d'un plafond fixé à un million d'euros. D'autre part, l'option pour le report en arrière doit être exercée par l'entreprise « dans les mêmes délais que ceux prévus pour le dépôt de la déclaration de résultats » de l'exercice au cours duquel le déficit est constaté. 

7. En l'espèce, il résulte de l'absence de disposition expresse contraire que ce paragraphe II ne disposait que pour l'avenir. La réforme du régime du report en arrière des déficits prévue par ce paragraphe s'appliquait donc aux seuls déficits constatés au titre des exercices clos à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi du 19 septembre 2011. 

8. Les dispositions contestées sont issues du paragraphe II de l'article 31 de la loi du 28 décembre 2011. Selon ces dispositions, auxquelles le paragraphe III de cet article 31 confère un « caractère interprétatif », la réforme du régime du report en arrière des déficits s'applique non seulement aux déficits constatés au titre des exercices clos à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi du 19 septembre 2011, mais aussi aux déficits qui restaient à reporter à la clôture de l'exercice précédant le premier exercice clos à compter de cette même date. 

9. Ce faisant, les dispositions contestées ont remis en cause les options exercées postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 19 septembre 2011 pour le report en arrière des déficits reportables à la clôture de l'exercice précédant le premier exercice clos à compter de cette entrée en vigueur. 

10. Or, en application de l'article 220 quinquies du code général des impôts, l'exercice de l'option pour le report en arrière « fait naître au profit de l'entreprise une créance » sur l'État. Ainsi, dans la mesure où elles remettent en cause des créances dont le fait générateur était intervenu avant leur entrée en vigueur, les dispositions contestées portent atteinte à des situations légalement acquises. Dès lors que cette atteinte n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général suffisant, ces dispositions méconnaissent la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration de 1789. 

Cour de cassation du , arrêt n°2016-604

Commentaire de LégiFiscal

Cette décision concerne les instances introduites et non jugées définitivement à la date à laquelle elle a été publiée (soit le 17 janvier 2017).

Ainsi, les entreprises qui disposaient de déficits avant la réforme pourront faire valoir cette déclaration de non constitutionnalité devant les tribunaux et l'administration.