Contexte de l'affaire
Cour de cassation 11 janvier 2017 n°15-16455
En vertu des dispositions de l'article 761 du CGI, pour la liquidation des droits de mutations à titre gratuit, les immeubles, quelle que soit leur nature, sont estimés d'après leur valeur vénale réelle à la date de la transmission, d'après la déclaration détaillée et estimative des parties, sans distraction des charges, sauf, en ce qui concerne celles-ci
En l'espèce, suite au décès de son mari, la requérante déposa une déclaration de succession dans laquelle figurait un immeuble. Elle demanda ensuite une remise partielle des droits de succession calculés sur la base de cette déclaration, arguant le fait que l'immeuble avait été surévalué dans celle-ci.
Cette demande fut rejetée par l'administration, ce qui conduisit la défunte à engager une procédure devant les juges du fond. Elle fit notamment valoir devant la Cour d'appel administrative d'appel de Caen que les évaluations faites par l'administration fiscale dans le cadre du redressement de l'impôt de solidarité sur la fortune des années 2005 et 2006 avaient été fixées respectivement à 4 884 359 et 5 246 642 euros, alors même que le bien avait été évalué plus de 8000 000 d'euros dans la déclaration de succession.
Cette position fut rejeté par la Cour d'appel, qui considéra que les évaluations faites par l'administration portaient sur un immeuble de rapport tandis que la déclaration de succession reprenait l'immeuble divisé en quarante-sept lots au moyen d'un règlement de copropriété. Ce rejet fit l'objet d'un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation rejette le pourvoi du contribuable. Elle juge que la différence d'évaluation de l'immeuble est justifiée par le fait que la situation juridique du bien avait été modifié. La requérante aurait du apporter la preuve, en se référant à des ventes définitives portant sur des biens comparables à la même période, que la valeur indiquée dans la déclaration de succession était exagérée.
Extraits de l'arrêt
3°/ que pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, les immeubles, quelle que soit leur nature, sont estimés d'après leur valeur vénale réelle à la date de la transmission ; que pour refuser de faire droit à la demande du contribuable et pour retenir l'évaluation erronée résultant de la déclaration desuccession, l'arrêt attaqué retient que « l'appelante, qui a procédé à l'évaluation du bien litigieux en connaissance des prix de vente d'appartements situés dans le même immeuble et qui ne se réfère à aucune autre vente définitive réalisée à la période de référence sur des biens comparables, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe » ; que la cour d'appel s'est alors fondée sur l'estimation de trois lots vendus de septembre 2006 à février 2007, de surfaces différentes, sur l'ensemble des appartements composants l'immeuble sis 47 rue de la Procession et sur trois ventes d'appartements en janvier et février 2007 dans des immeubles voisins ; qu'ainsi, l'évaluation de tous les appartements de l'immeuble sis 47 rue de la Procession a été déterminée sur la base du prix auquel pourrait être vendu un seul d'entre eux, dans des conditions optimales de marché, c'est-à-dire dans un contexte de rareté contrôlée par le vendeur ; qu'il doit être constaté que si tous les appartements étaient vendus en même temps, jamais leur prix respectif ne serait équivalent à celui obtenu dans un contexte de rareté contrôlé par le vendeur ; que la méthode d'évaluation retenue par la cour d'appel aboutit à retenir le prix d'un appartement cédé à la date de la transmission, dans des conditions optimales de vente, et de multiplier ce prix par le nombre d'appartements qui seront vendus postérieurement à la date de transmission, voire plusieurs années après ; que la méthode d'évaluation retenue par la cour d'appel revient à établir la valeur vénale réelle du bien en invoquant un élément postérieur au fait générateur de l'impôt, à savoir les futures ventes d'appartements ; que non seulement cette méthode est insuffisante à établir la valeur vénale réelle de l'ensemble de l'immeuble au jour du décès mais, de plus, elle aboutit en l'espèce à augmenter la valeur du bien de trois millions d'euros en une année en raison du seul établissement du règlement de copropriété et à soumettre aux droits de succession les futures plus-values qui résulteront des ventes d'appartements opérées de façon très échelonnée ; que, dans ces conditions, l'évaluation effectuée selon la méthode retenue par la cour d'appel ne peut être considérée comme plus conforme à la réalité du marché en mars 2007 que celle proposée par le contribuable fondée sur une actualisation des évaluations de l'immeuble faite par l'administration fiscale pour les années 2005 et 2006 dans le cadre du redressement d'impôt sur la fortune ; que, dans ces conditions, en jugeant que le prix d'un appartement cédé dans l'immeuble du 47 rue de la Procession ou dans un immeuble voisin multiplié par le nombre d'appartements restant à céder suffit à donner une juste mesure de la valeur vénale de l'ensemble de l'immeuble litigieux composé de vingt appartements et de deux locaux commerciaux, outre des caves et locaux annexes, la cour d'appel a violé les articles 761 du code général des impôts et R. 194-1 alinéa 2 du livre des procédures fiscales ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que la valeur vénale réelle d'un immeuble correspond au prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande sur un marché réel, compte tenu de la situation de fait et de droit dans laquelle l'immeuble se trouve lors de la survenance du fait générateur de l'impôt, l'arrêt retient qu'il appartenait ainsi à Mme X... de rapporter la preuve, en se référant à des ventes définitives portant sur des biens comparables à la même période, de ce que la valeur du bien immobilier litigieux indiquée dans la déclaration de succession était exagérée ; qu'il constate que Mme X... ne justifie son évaluation qu'en se fondant sur une actualisation de celle retenue par l'administration, lorsque celle-ci a procédé à un redressement au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2005 et 2006, tandis que la situation juridique de l'immeuble avait été modifiée, ou en se référant à des méthodes contestables reposant sur la surface du bien et l'application d'abattements ; qu'il relève que Mme X... n'a fait état d'aucune vente définitive réalisée durant la période de référence sur des biens comparables, cependant que de telles ventes étaient intervenues dans l'immeuble litigieux ; que de ces constatations et appréciations procédant de son pouvoir souverain, la cour d'appel, qui devait seulement apprécier le caractère probant les éléments produits par Mme X... à l'appui de sa demande, a pu déduire que celle-ci ne rapportait pas la preuve du caractère exagéré de la valeur de l'immeuble litigieux indiquée dans la déclaration de succession ; que le moyen n'est pas fondé ;
Commentaire de LégiFiscal
L'arrêt de la Cour de cassation semble fondé et prend en compte les éléments de faits rapportés par la Cour d'appel. En effet, la situation juridique de l'immeuble ayant été modifiée entre la période d'imposition à l'ISF et la date de la transmission, les évaluations faites par l'administration ne pouvaient être utilisées.