Contexte de l'affaire
CAA Versailles 15/11/2016 n° 15VE02777
En l'espèce, une société avait déduit à tort des intérêts de retard mis à sa charge après une procédure de rectification. En effet, en vertu de l'article 209 du CGI, les pénalités mises à la charge des contribuables ne sont pas admises en déduction des bénéfices soumis à l'impôt.
Elle n'avait pas intégré à son résultat, en tant que produit imposable, le dégrèvement de ces intérêts qu'elle avait obtenu.
L'administration considéra que, la société ayant déduit ces intérêts (au titre d'un exercice prescrit), elle pouvait, symétriquement, imposer le dégrèvement dont elle avait bénéficié.
La Cour administrative d'appel de Versailles rejette cet argumentaire. En effet, pour elle, l'administration aurait du, au cours du délai de reprise, contester la déduction des intérêts de retard effectuée par la société. Le dégrèvement obtenu par la société ne saurait être considéré comme un produit imposable, car il se rapporte à une charge non déductible.
Extraits de legifiscal
En ce qui concerne la réintégration dans les résultats imposables de la société X des intérêts de retard restitués :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1. de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 4° Sous réserve des dispositions de l'article 153, les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice, à l'exception des taxes prévues aux articles 238 quater et 990 G (...) Si des dégrèvements sont ultérieurement accordés sur ces impôts, leur montant entre dans les recettes de l'exercice au cours duquel l'exploitant est avisé de leur ordonnancement (...) " ; que, toutefois, aux termes du 2 du même article : " Les (...) pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants aux dispositions légales régissant (...) l'assiette des impôts, contributions et taxes ne sont pas admises en déduction des bénéfices soumis à l'impôt " ; qu'enfin, aux termes de l'article 1727 dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Toute somme, dont l'établissement ou le recouvrement incombe à la direction générale des impôts, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. (...) " ;
3. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 1997 et 1998, la société X a déduit, pour la détermination de ses bénéfices imposables de l'année 2002, les intérêts de retard, dont les rappels de taxe sur les conventions d'assurances avaient été assortis ; que, cependant, les intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts, même s'ils sont dus de plein droit sur la base de l'imposition à laquelle ils s'appliquent et n'impliquent ainsi aucune appréciation par l'administration fiscale du comportement du contribuable, ont le caractère de pénalités au sens du 2. de l'article 39 de ce code ; que, dans ces conditions, ils ne pouvaient, en application de ces dispositions, être déduits, pour le calcul des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés, l'année de leur paiement, à la différence des rappels relatifs à la taxe sur les conventions d'assurances prévue par les articles 991 et suivants du même code général des impôts qui, ne figurant pas au nombre des exceptions mentionnées au 4° du 1. de cet article, demeuraient, en principe, déductibles et, par symétrie, imposables au titre de l'exercice au cours duquel ils avaient été dégrevés ;
4. Considérant que, dès lors ainsi qu'il vient d'être dit au point précédent, les intérêts de retard n'ont pas la nature d'une imposition déductible au sens des dispositions du 4° du 1. de l'article 39 du code général des impôts dans les prévisions desquelles ils n'entrent donc pas, mais, d'une pénalité non admise en déduction des résultats imposables, il appartenait seulement à l'administration, si elle entendait réparer la décision de gestion irrégulière tenant à leur déduction au titre de l'exercice clos en 2002, de rehausser, dans le délai de reprise mentionné à l'article
L. 169 du livre des procédures fiscales, les résultats déclarés par la société X au titre de cet exercice à concurrence du montant des intérêts de retard déduits à tort, sans attendre, au risque que son action fut prescrite, leur dégrèvement ultérieur ; qu'il s'ensuit que la société X est fondée en sa demande de décharge des suppléments d'impôts résultant de la réintégration de ces intérêts de retard dans ses bénéfices imposables de l'exercice clos en 2006 ;
Commentaire de LégiFiscal
Si cette décision de la Cour administrative d'appel de Versailles est contestable d'un point de vue économique (la société ayant pu déduire des intérêts qui lui ont été restitués), elle est cohérente d'un point de vue juridique.
En effet, les intérêts n'étant pas déductibles, leur restitution n'est pas imposable et l'administration ne peut se prévaloir d'un principe de symétrie. Elle aurait du, afin de respecter les règles applicables en matière de prescription et de détermination du résultat imposable et de donner une base légale à son redressement, contester la déduction des intérêts de retard par la société au sein du délai de reprise.