Contexte de l'affaire
Cass 2ème civ. 19 janvier 2017 n°15-26723
La C3S ou contribution sociale de solidarité des sociétés a pour assiette le chiffre d'affaires entrant dans le champ d'application des taxes sur le chiffre d'affaires (TVA...), auquel est appliqué un abattement de 19 millions d'euros.
En l'espèce, une société avait fait l'objet d'une vérification d'assiette portant sur la C3S par la Caisse nationale du Régime social des indépendants et s'était vue notifié un redressement. La Caisse avait ainsi inclut dans l'assiette de la C3S la valeur des stocks transférés dans divers Etats membres de l'Union européenne.
Elle demanda à la Cour de cassation que soit transmise à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante: L'inclusion dans l'assiette de la C3S de la valeur des stocks faisant l'objet de transferts intracommunautaires est-elle compatible avec le principe de libre circulation des marchandises sur le territoire de l'Union européenne en ce qu'elle constitue une charge pécuniaire frappant unilatéralement les mouvements de marchandises en raison du seul franchissement de la frontière entre la France et les autres Etats membres et partant une taxe d'effet équivalent à un droit de douane prohibé par les articles 28 et 30 du TFUE ?
La Cour juge la question sérieuse et la transmet à la CJUE.
Extraits de l'arrêt
Attendu que, conformément à la directive TVA 2006/112/CE du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) du 28 novembre 2006, et sous réserve de certaines exceptions qui sont étrangères au présent litige, l'article 256, III du code général des impôts assimile à une livraison de biens, soumise à la TVA, le transfert d'un bien de son entreprise réalisé par un assujetti ou pour son compte, pour les besoins de son entreprise, à destination d'un autre Etat membre de l'Union européenne :
Article 256, III du code général des impôts (dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des contributions litigieuses) :
III. Est assimilé à une livraison de biens, le transfert par un assujetti d'un bien de son entreprise à destination d'un autre Etat membre de la Communauté européenne.
Est considéré comme un transfert au sens des dispositions qui précèdent l'expédition ou le transport, par un assujetti ou pour son compte, d'un bien meuble corporel pour les besoins de son entreprise, à l'exception de l'expédition ou du transport d'un bien qui, dans l'Etat membre d'arrivée, est destiné :
a) A être utilisé temporairement pour les besoins de prestations de services effectuées par l'assujetti ou dans des conditions qui lui ouvriraient droit, si ce bien était importé, au bénéfice de l'admission temporaire en exonération totale de droits ;
b) A faire l'objet de travaux à condition que le bien soit réexpédié ou transporté en France à destination de cet assujetti ;
c) A faire l'objet d'une installation ou d'un montage.
d) A faire l'objet de livraisons à bord des moyens de transport, effectuées par l'assujetti, dans les conditions mentionnées à l'article 37 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006.
Pour l'application du présent III, n'est pas assimilé à une livraison de biens, le transfert, au sens des dispositions du premier alinéa, de gaz naturel ou d'électricité vers un autre Etat membre pour les besoins d'une livraison dont le lieu y est situé, conformément aux dispositions des articles 38 et 39 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006.
Qu'un tel transfert, qui doit être mentionné sur la déclaration devant être souscrite par le redevable auprès de l'administration fiscale, est toutefois exonéré du paiement de la TVA en application de l'article 262 ter du même code :
Attendu que si les transferts domestiques ou ceux réalisés à destination d'un Etat non membre de l'Union européenne ne sont pas assimilés à une livraison de biens, de sorte que leur valeur représentative n'entre pas dans l'assiette de la C3S, la Cour de cassation a jugé qu'il résulte des textes susmentionnés de droit interne que la valeur représentative des stocks transférés par une entreprise, depuis la France, à destination d'un autre Etat membre de l'Union européenne, entre dans l'assiette de la C3S et de la contribution additionnelle quand bien même un tel transfert ne génère pas par lui-même de chiffre d'affaires (2e Civ., 7 novembre 2013, pourvoi n° 12-25.776, Bull. 2013, II, n° 213 ; 2e Civ., 11 février 2006, pourvoi n° 14-26.363) ;
Attendu que cette interprétation s'appliquant à des contributions récemment pérennisées, il convient de s'assurer, compte tenu des critiques formulées par le pourvoi, de sa compatibilité avec les exigences du droit de l'Union européenne ; qu'il y a lieu, dès lors, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;
Commentaire de LégiFiscal
L'assiette de la C3S est la même que celle de la TVA et ainsi, les transferts de stocks dans des Etats membres doivent être pris en compte dans celle-ci. C'est en tout cas la position de la Cour de cassation.
Toutefois, la critique formulée par le requérant, qui invoque la libre circulation des marchandises dans l'Union européenne a été jugé comme recevable et mérite une prise de position de la part de la CJUE. Il est vrai que ce principe est cardinal en droit communautaire.