Plus-value et date d'appréciation de la doctrine

Jurisprudence

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Contexte de l'affaire

CE 10 février 2017 n°386221

En l'espèce, un avocat céda le 1er avril 2016 son fonds de commerce, qui avait été mis en location-gérance auparavant, à une SELARL. Pour obtenir l'exonération de la plus-value constatée lors de la cession, le cédant invoqua une réponse ministérielle publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale le 31 janvier 2006.

L'administration lui rétorqua qu'une autre réponse ministérielle, publiée le 24 octobre 2006, rendait cette réponse caduque pour le contribuable. En effet, pour le service, il convenait de se placer au 31 décembre de l'année d'imposition, soit le 31 décembre 2006 (soit la date du fait générateur en matière d'impôt sur le revenu), et à cette date, la réponse ministérielle invoquée par le contribuable n'était plus applicable. En effet, c'est la date du fait générateur qui doit être prise en compte pour déterminer la doctrine applicable.

La Cour administrative d'appel donna raison à l'administration en prenant en compte cette date du 31 décembre. Le Conseil d'Etat casse l'arrêt de la Cour. En effet, pour lui, il faut se placer à la date de la cession pour déterminer la doctrine applicable. C'est à cette date qu'intervient le fait générateur. 

Extraits de l'arrêt

7. Aux termes de l'article 238 quindecies du code général des impôts : " "I. - Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole à l'occasion de la transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité autres que celles mentionnées au V sont exonérées (...) / II. - L'exonération prévue au I est subordonnée aux conditions suivantes : / 1. L'activité doit avoir été exercée pendant au moins cinq ans ; / 2. La personne à l'origine de la transmission est : / a) Une entreprise dont les résultats sont soumis à l'impôt sur le revenu ou un contribuable qui exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu ;(...) / 3. En cas de transmission à titre onéreux, le cédant ou, s'il s'agit d'une société, l'un de ses associés qui détient directement ou indirectement au moins 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux ou y exerce la direction effective n'exerce pas, en droit ou en fait, la direction effective de l'entreprise cessionnaire ou ne détient pas, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de cette entreprise(...) / VII. - La transmission d'une activité qui fait l'objet d'un contrat de location-gérance ou d'un contrat comparable peut bénéficier du régime défini au I si les conditions suivantes sont simultanément satisfaites : / 1° L'activité est exercée depuis au moins cinq ans au moment de la mise en location ; / 2° La transmission est réalisée au profit du locataire. / Pour l'appréciation des seuils mentionnés aux 1° et 2° du I, il est tenu compte de la valeur des éléments de l'activité donnée en location servant d'assiette aux droits d'enregistrement mentionnés aux articles 719, 720 ou 724 ou de la valeur des éléments similaires utilisés dans le cadre d'une exploitation agricole mise en location (...) ". Il résulte de ces dispositions que le bénéfice de l'exonération prévue en faveur des plus-values réalisées lors de la transmission d'une activité faisant l'objet d'un contrat de location-gérance ou d'un contrat comparable est subordonné au respect non seulement des conditions qui sont énoncées aux 1° et 2° du VII mais aussi de celles qui sont mentionnées au I et au II de l'article 238 quindecies du code général des impôts.

8. Il résulte de l'instruction que M. A... , avocat, qui avait mis son fonds libéral en location-gérance à compter de janvier 2001, est gérant et associé majoritaire de la SELARL " B... A... ", à laquelle il a cédé ce fonds le 1er avril 2006. La condition posée au 3 du II de l'article 238 quindecies du code général des impôts n'étant pas satisfaite, la plus-value réalisée à l'occasion de cette cession n'entrait pas dans le champ d'application de l'exonération d'impôt sur le revenu prévue par les dispositions de cet article.

9. M. A... se prévaut toutefois, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle faite à Mme C... , députée, et publiée le 31 janvier 2006, qui indique que le régime de l'article 238 quindecies du code général des impôts " s'applique également aux activités mises en location-gérance sous les mêmes conditions que pour l'article 238 quindecies (...) à savoir que l'activité doit avoir été exercée pendant cinq au moins au moment de la mise en location et que la cession est réalisée au profit du locataire ". Cette réponse, qui n'avait pas été rapportée par l'administration le 1er avril 2006, date du fait générateur de la plus-value litigieuse, constitue une interprétation formelle de la loi fiscale qui est opposable à l'administration en ce qu'elle admet le bénéfice de l'exonération prévue au VII de l'article 238 quindecies du code général des impôts en faveur des plus-values réalisées lors de la transmission d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole faisant l'objet d'un contrat de location-gérance lorsque les deux seules conditions posées par ce VII sont remplies. Dès lors que l'activité d'avocat de M. A... avait été exercée pendant plus de cinq ans au moment de la mise en location-gérance de son fonds libéral et que la cession de ce fonds a été réalisée au profit du locataire, la SELARL " B... A... ", le requérant pouvait, à bon droit, opposer cette interprétation formelle à l'administration fiscale pour obtenir que la plus-value de cession de son fonds libéral soit exonérée d'impôt sur le revenu. M. A... est par conséquent fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2006. 

Cour de cassation du , arrêt n°386221

Commentaire de LégiFiscal

La solution prônée par le Conseil d'Etat peut sembler singulière, la prise en considération du 31 décembre de l'année d'imposition étant fréquemment admise.

 Elle prend en compte la spécificité de l'imposition des plus-values, dont le fait générateur intervient au jour de la cession.