Question de constitutionnalité concernant les plus-values d'échange avec soulte

Jurisprudence

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Contexte de l'affaire

CE QPC 21 avril 2017 n°407223

 En vertu de l'article 150-0B (al.3), un sursis d'imposition s'applique, en matière de plus-value, aux échanges de titres résultant d'une opération d'offre publique, de fusion ou de scission.

Ces dispositions ne s'appliquent pas en cas d'échange de titres lorsque la soulte (somme versée pour compenser l'excédent de valeur des titres reçus en échange) excède 10% de la valeur nominale des titres reçus. Dans cette hypothèse, les plus-values sont imposées l'année de l'échange.

Pour le requérant, ces dispositions sont contraire aux articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. En effet, elles portent atteinte:

- au principe d'égalité devant les charges publiques en créant un effet de seuil excessif qui n'est pas cohérent avec l'objectif de neutralité fiscale poursuivi par le législateur et ne tient pas compte des facultés contributives des intéressés,

- au principe d'égalité devant la loi, dès lors qu'en se référant à la seule valeur nominale des titres reçus en échange pour l'appréciation du seuil de 10% qu'elle prévoit, elle conduit à traiter différemment les contribuables selon que leur apport a donné lieu ou non au paiement d'une prime d'émission.

Le Conseil d'Etat juge sérieuse cette question de Constitutionnalité et la renvoie devant le Conseil constitutionnel.

Extraits de l'arrêt


Considérant ce qui suit :


1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. 

2. Aux termes de l'article 150-0 B du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sous réserve des dispositions de l'article 150-0 B ter, les dispositions de l'article 150-0 A ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable, de conversion, de division, ou de regroupement, réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés. / Ces dispositions s'appliquent aux opérations d'échange ou d'apport de titres mentionnées au premier alinéa réalisées en France, dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, ainsi qu'aux opérations, autres que les opérations d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, pour lesquelles le dépositaire des titres échangés est établi en France, dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. / Les échanges avec soulte demeurent... ".

3. Le requérant soutient que le troisième alinéa de l'article 150-0 B du code général des impôts est contraire aux articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Selon lui, cette disposition porte atteinte, d'une part, au principe d'égalité devant les charges publiques, en ce qu'elle crée un effet de seuil excessif qui n'est pas cohérent avec l'objectif de neutralité fiscale poursuivi par le législateur et ne tient pas compte des facultés contributives des intéressés et, d'autre part, au principe d'égalité devant la loi, dès lors qu'en se référant à la seule valeur nominale des titres reçus en échange pour l'appréciation du seuil de 10% qu'elle prévoit, elle conduit à traiter différemment les contribuables selon que leur apport a donné lieu ou non au paiement d'une prime d'émission, qui a pourtant la nature juridique d'un apport, sans qu'une raison d'intérêt général en rapport avec l'objet de la loi puisse justifier cette différence de traitement.

4. Le troisième alinéa de l'article 150-0 B du code général des impôts est applicable au litige et n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce que cet alinéa porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe d'égalité devant la loi, soulève une question présentant un caractère sérieux. Par suite, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée. 

Cour de cassation du , arrêt n°407223

Commentaire de LégiFiscal

Il conviendra d'attendre la décision du Conseil constitutionnel. Globalement, le Conseil d'Etat est assez libéral et juge sérieuses une grande partie des questions de constitutionnalité qui lui sont posées.