Contexte de l'affaire
CAA Paris 10 mai 2016 n°15PA03420
L'associé minoritaire (20% des droits de vote) d'une SELARL se vit attribuer, en N, une prime exceptionnelle portée sur un compte courant bloqué et déblocable à compter du 1er janvier N+2 sur décision unanime des associés.
L'administration réintégra cette prime dans la catégorie des traitements et salaires, au titre de l'année N, au motif qu'il s'agissait d'un revenu dont le contribuable disposait, même si celui-ci était indisponible.
Le Tribunal administratif rejeta la demande du contribuable tendant à la décharge du supplément d'impôt sur le revenu mis à sa charge, au motif qu'en matière de traitements et salaires, l'assiette de l'impôt sur le revenu est constituée des sommes mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement soit par voie d'inscription à un compte courant ou un compte de charges à payer ouvert dans les écritures de la société qui l'emploie. Or en l'espèce, le retrait des sommes portées en compte courant au plus tard le 31 décembre de l'année d'imposition n'était pas impossible, en fait ou en droit.
La Cour administrative d'appel de Paris rejette cet argumentaire. En effet, la prime exceptionnelle ne pouvait être débloquée qu'à compter du 1er janvier N+2 sur décision unanime des associés et ainsi, le contribuable ne disposait pas, au titre de l'année N, des sommes litigieuses. Il ne pouvait, malgré son statut de dirigeant, modifier seul la décision de l'assemblée générale des actionnaires, car il ne disposait pas de la majorité des droits de vote
Extraits de l'arrêt
1. Considérant que M. A... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel le service a réintégré à ses revenus, au titre de l'année 2012 et dans la catégorie des traitements et salaires visés à l'article 62 du code général des impôts, une somme de 74 800 euros, correspondant aux 20 %, non déclarés par l'intéressé, d'une prime exceptionnelle à lui verser par la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) dont il est associé ; que M. A... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la décharge du supplément d'impôt sur le revenu qui en a résulté ; que, par un jugement du 29 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que M. A... relève régulièrement appel dudit jugement ;
Sur les conclusions à fin de décharge de l'imposition litigieuse et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 12, 13 et 83 du code général des impôts que les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires sont celles qui sont mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement soit par voie d'inscription à un compte courant ou un compte de charges à payer ouvert dans les écritures de la société qui l'emploie, dès lors, dans ces deux derniers cas, que le créancier de la somme est un dirigeant de la société ayant déterminé la décision d'inscrire dans les comptes sociaux la somme qui lui est due et que le retrait effectif de la somme au plus tard le 31 décembre de l'année d'imposition n'est pas rendu impossible, en fait ou en droit, par des circonstances telles que, notamment, la situation de trésorerie de la société, les circonstances matérielles du retrait ou les modalités de détermination du montant exact de la somme susceptible d'être retirée ;
3. Considérant que M. A... s'est vu attribuer, au terme d'une assemblée générale ordinaire des associés de la SELARL CGR Legal en date du 18 décembre 2012, une prime exceptionnelle de 374 000 euros ; que cette même assemblée a décidé que ladite prime serait, à hauteur de 80 %, portée au crédit de son compte courant d'associé, les 20 % restants, soit la somme de 74 800 euros, étant " portés au crédit d'un compte courant ouvert [à son] nom, lequel sera bloqué (...) à compter [du 18 décembre 2012] et ne pourr[a] être débloqué qu'à compter du 1er janvier 2014 sur décision unanime des associés " ;
4. Considérant que M. A... se prévaut de cette clause de blocage ; que cette clause rendait effectivement indisponible la somme litigieuse avant le 1er janvier 2014 et sur décision unanime des associés ; que si le ministre des finances et des comptes publics se prévaut des fonctions de direction exercées par l'intéressé dans la société, il est constant qu'il ne détenait que 20 % du capital social et ne pouvait donc, en tout état de cause, à lui seul modifier la décision de l'assemblée générale susvisée ; que, par suite, M. A... est fondé à soutenir qu'il lui était impossible en droit de prélever la somme litigieuse au cours de l'année 2012 ; qu'il y a dès lors lieu de faire droit aux conclusions de l'appelant tendant au prononcé de la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu, ainsi que de la majoration de 10 % et de l'intérêt de retard y afférents, à laquelle il a été assujetti du fait de la réintégration, dans son revenu imposable de l'année 2012, de la somme litigieuse de 74 800 euros ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge du supplément d'impôt litigieux et des pénalités y afférentes ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens :
7. Considérant que la présente instance n'a donné lieu à aucun dépens ; que de telles conclusions sont donc sans objet et ne peuvent qu'être rejetées ;
Commentaire de LégiFiscal
La Cour prend en considération, dans cette décision logique, l'impossibilité juridique, pour le contribuable, de disposer des sommes bloquées sur son compte courant du fait de son statut d'associé minoritaire.