La renonciation à une assurance vie ne doit pas être abusive

Jurisprudence
Fiscalité Assurance-vie

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Contexte de l'affaire

En vertu des dispositions de l'article L. 32-5-1 du code des assurances, le souscripteur personne physique d’un contrat d’assurance-vie dispose de 30 jours pour y renoncer, à compter de la date à laquelle il est informé de la conclusion du contrat. Lorsque l’assureur n’a pas remis, avant la conclusion du contrat, les documents et informations prévus par le code des assurances, le délai de renonciation est prorogé jusqu’au trentième jour suivant leur remise effective.

Pour les contrats souscrits depuis le 1er janvier 2015, l'article L. 132-5-2 du code des assurances réserve aux seuls souscripteurs de bonne foi la possibilité d'exercer cette faculté prolongée de renonciation. En revanche, pour les contrats souscrits antérieurement, cette faculté peut être exercée de manière discrétionnaire par le souscripteur, sa bonne foi n'est pas requise.

En l'espèce, le souscripteur d'un contrat d’assurance vie conclu en 2008 avaient exercé tardivement son droit de renoncer à son contrat en raison du non-respect par son assureur de son obligation d'information. Ce dernier contestant la validité de cette renonciation, le souscripteur a obtenu gain de cause devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, celle-ci condamnant l'assureur à lui restituer les sommes versées majorées des intérêts au taux légal.

La Cour de cassation a censuré cet arrêt, rappelant que si la faculté prorogée de renonciation prévue par l’article L 132-5-2 du Code des assurances revêt un caractère discrétionnaire pour l'épargnant, son exercice peut être sanctionné lorsqu'il dégénère en abus de droit.

Extrait de l'arrêt

Attendu que M. X... a souscrit le 10 octobre 2008 (...) un contrat d'assurance sur la vie "Liberty 2 Invest", libellé en unités de compte, sur lequel il a investi une somme d'un million d'euros ; qu'après avoir procédé le 18 juin 2009 à un rachat partiel à hauteur de 300 000 euros, il s'est prévalu (...) de la faculté de renonciation prévue par les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances en reprochant à l'assureur de ne pas avoir satisfait à son obligation d'information précontractuelle ; que l'assureur ne lui ayant pas restitué les sommes versées, il l'a assigné en remboursement de la somme principale de 700 000 euros ;

Attendu que, pour condamner l'assureur à rembourser à M. X... la somme de 700 000 euros avec intérêts au taux légal majoré, l'arrêt retient que la faculté de renonciation prorogée, ouverte de plein droit (...) pour sanctionner le défaut de remise à l'assuré des documents et informations prévus par la loi, est discrétionnaire et ne requiert pas la bonne foi de l'assuré, dont la loi, au surplus, n'exige pas qu'il soit non averti ;

Attendu que, pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient encore que, sauf à priver la sanction de son effet, M. X... n'a pas pu abuser d'une faculté de rétractation résultant non pas du contrat mais d'une disposition d'ordre public sanctionnant les manquements de son cocontractant à cette même loi ;

Qu'en se déterminant ainsi (...) sans rechercher (...) quelle était la finalité de l'exercice de son droit de renonciation et s'il n'en résultait pas l'existence d'un abus de droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Cour de cassation du , pourvoi n°16-19565

Commentaire de LégiFiscal

Cet arrêt confirme le revirement de jurisprudence opéré dès 2016 par la Cour de cassation, en matière de prorgation de la faculté de renonciation à un contrat d'assurance vie pour défaut d'information. La Cour impose désormais aux juges du fond de rechercher si, au regard des compétences financières du souscripteur, la faculté de renonciation qu'il exerce n’est pas constitutive d’un abus de droit, y compris pour les contrats d'assurance vie antérieurs à 2015.

Les juges doivent vérifier s'ils sont en présence d'un investisseur profane ou averti. Dans le second cas, ils doivent s'assurer que les manquements de l'assureur à ses obligations précontractuelles d’information ne sont pas un prétexte pour dénoncer le contrat plusieurs années après sa souscription, et échapper ainsi aux pertes qu'il a générées. Si tel est le cas, les juges doivent sanctionner le recours à la renonciation prorogée car elle est abusive.