Contexte de l'affaire
Cons. consti. 19 octobre 2017 n°2017-663 QPC
Les indemnités compensatrices perçues par les agents d'assurance lors de leur départ en retraite sont exonérées si les conditions suivantes sont réunies (article 151 septies A, V du CGI) :
- le contrat dont la cessation est indemnisée a été conclu depuis au moins cinq ans au moment de la cessation ,
- l'agent général d'assurances a fait valoir ses droits à la retraite à la suite de la cessation du contrat,
- l'activité est intégralement poursuivie par un nouvel agent général d'assurances exerçant à titre individuel et dans le délai d'un an
Cette dernière condition n'est pas imposée aux autres professionnels bénéficiant du régime d'exonération des plus-values professionnelles en cas de départ à la retraite (article 151 septies A, I)
Les requérants contestèrent devant le Conseil d'Etat la constitutionnalité de ces dispositions, au motif que cette différence de traitement méconnaît les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques et ne repose pas sur un critère objectif et rationnel.
Le Conseil d'Etat considéra que cette question de constitutionnalité était sérieuse et la renvoya devant le Conseil constitutionnel.
Ce dernier juge que la condition tenant au fait que l'activité soit intégralement poursuivie par un nouvel agent d'assurances est contraire à la Constitution et méconnaît les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques au motif :
- qu'il n'y a pas de lien entre la poursuite de l'activité d'agent général d'assurances, que le législateur entend favoriser, et la forme juridique dans laquelle elle s'exerce (hors celle-ci doit être poursuivie à titre individuel),
- que l'indemnité compensatrice n'est versée qu'en l'absence de cession de gré à gré par l'agent général, situation dans laquelle il n'est pas en mesure de choisir son successeur. L'exonération dépend ainsi d'une condition que le contribuable ne maîtrise pas.
Ainsi, avec cette condition supplémentaire, le législateur ne s'est pas fondé sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but visé.
Extraits de l'arrêt
6. L'activité d'agent général d'assurances peut être exercée sous forme individuelle ou sous forme de société. Lors de la cessation de son activité, l'agent général d'assurances peut procéder à la cession de gré à gré de cette activité, sous réserve de l'agrément de la compagnie d'assurances qu'il représente. À défaut d'une telle cession, notamment lorsque la compagnie d'assurances a refusé cet agrément, cette dernière lui verse une indemnité compensatrice de cessation de mandat. Le paragraphe V de l'article 151 septies A du code général des impôts définit les conditions auxquelles est subordonnée l'exonération de l'impôt sur le revenu à raison de l'indemnité ainsi versée à l'agent général faisant valoir ses droits à la retraite, lorsqu'il exerçait son activité à titre individuel.
7. En prévoyant que l'indemnité compensatrice versée à l'occasion de la cessation d'activité d'un agent général d'assurances faisant valoir ses droits à la retraite bénéficie d'un régime d'exonération, le législateur a entendu favoriser la poursuite de l'activité exercée.
8. Toutefois, d'une part, il n'y a pas de lien entre la poursuite de l'activité d'agent général d'assurances et la forme juridique dans laquelle elle s'exerce. D'autre part, l'indemnité compensatrice n'est versée qu'en l'absence de cession de gré à gré par l'agent général, situation dans laquelle il n'est pas en mesure de choisir son successeur. Le bénéfice de l'exonération dépend ainsi d'une condition que le contribuable ne maîtrise pas. Dès lors, en conditionnant l'exonération d'impôt sur le revenu à raison de l'indemnité compensatrice à la reprise de l'activité par un nouvel agent général d'assurances exerçant à titre individuel, le législateur ne s'est pas fondé sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but visé. Par conséquent, les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques.
9. Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, les mots « par un nouvel agent général d'assurances exerçant à titre individuel et » figurant au c du 1 du paragraphe V de l'article 151 septies A du code général des impôts doivent donc être déclarés contraires à la Constitution.
Commentaire de LégiFiscal
Les effets de cette décision interviennent à compter de sa date de publication. Elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.
Ainsi, le Conseil finit d'achever le régime dérogatoire d'exonération concernant les agents d'assurance. Ainsi, il a déjà considéré que l'ancienne mouture de l'article 151 septies A V du CGI, qui prévoyait que l'activité devait être poursuivie dans les mêmes locaux par un nouvel agent dans un délai d'un an, était inconstitutionnelle (Cons. const. QPC 14-10-2016 n° 2016-587).