Prise en charge des frais d'avocat d'un dirigeant et revenu distribué

Jurisprudence
Fiscalité Impôt sur les sociétés

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Contexte de l'affaire

CAA Versailles 1er juin 2017 n°15VE01815

En vertu des dispositions de l'article 111 c du CGI, sont considérés comme des revenus distribués, les rémunérations et avantages occultes.

Ainsi, ces sommes sont imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au niveau des bénéficiaires, qui ne peuvent néanmoins bénéficier de l'abattement de 40% concernant les dividendes.

En l'espèce, les dirigeants fondateurs d'une société anonyme spécialisée dans la fabrication et la distribution de vins et spiritueux étaient en conflit avec l'associé majoritaire de la société (une autre société). Les parties mirent un terme à leur différends relatifs à la gestion de cette entreprise par un accord organisant les modalités de leur séparation et en vertu duquel les dirigeants s'engageaient à faire acheter la totalité des titres détenus par l'associé majoritaire sous la forme d'un placement privé. Ils eurent recours à un intermédiaire financier afin de racheter une partie de ces titres et celui-ci les poursuivit en justice car ils n'avaient pas honoré leurs engagements.

La société prit alors en charge les frais d'avocat de leurs dirigeants, exposés lors du procès avec l'intermédiaire financier,procès dans lequel elle n'était ni appelée ni mentionnée

Cette prise en charge fut considérée par l'administration comme un revenu distribué, en vertu des dispositions de l'article 111 c du CGI, devant être imposé au niveau des dirigeants

Ceux-ci firent valoir devant la Cour administrative d'appel de Versailles que la société avait intérêt de prendre en charge les frais de procédure, au motif que :

- l'entreprise avait intérêt à favoriser la stabilité de son actionnariat ;

- compte tenu des difficultés financières l'actionnaire majoritaire qui conduisirent à sa faillite, sa présence dans le capital de la société faisait courir un risque financier au groupe ; 
- les communiqués donnant un caractère strictement personnel au différend entre les deux dirigeants de la société et l'actionnaire majoritaire étaient destinés à rassurer les investisseurs invités à acquérir des actions de cet actionnaire ; 
- l'opération de reclassement des titres n'aurait pu réussir si les deux dirigeants historiques n'avaient manifesté leur confiance dans le groupe en s'engageant à hauteur de 50 millions d'euros.

Cet argumentaire est rejeté par la Cour, au motif que la société n'était pas concernée par les démêlés de ses dirigeants avec l'intermédiaire financier qu'elle n'a retiré aucune contrepartie de la dépense qu'elle a exposée.

Extraits de l'arrêt

4. Considérant que M. C...soutient que, sous la pression de la société 
X et afin de remédier aux difficultés financières de celle-ci, la SA Y et ses filiales se livraient à des opérations financières et de crédit étrangères à leur objet social et porteuse de risques pour elles-mêmes ; qu'il invoque, afin de justifier la décision qu'il a prise de s'assurer à nouveau avec M. A...le contrôle de la SA Y, l'intérêt pour elle de continuer à exercer une activité conforme à son objet social et d'être dotée d'un actionnariat stable favorable au maintien d'une telle activité ; que, toutefois, à supposer exacts ces arguments, il n'appartient pas à une société de prendre en charge les honoraires d'avocats exposés pour la seule défense des intérêts de ses associés et dirigeants dans un procès dans lequel elle n'est pas partie ; qu'en l'espèce et alors que le recours à la société Z dans l'urgence et à des conditions onéreuses pour MM. A...et C...leur a permis d'évincer l'actionnaire majoritaire avec lequel ils étaient en conflit, il ne résulte pas de l'instruction que la pérennité de la SA Belvédère ait été en jeu dans la persistance de ce conflit ; qu'en tout état de cause, elle n'était plus, après l'éviction de la société X, ni directement ni indirectement concernée par les démêlés de MM. A...et C...avec la société Z, relatifs au coût de l'emprunt que ces derniers ont personnellement contracté auprès de ce fonds ; que, par suite, la SA Y n'avait pas à supporter les conséquences financières du revirement par lequel MM. A...et C...se sont dédits de leurs engagements, pris le 25 juillet 2007, envers la société Z ni à prendre à sa charge les honoraires de leurs avocats dans le procès intenté par cette société, procès dans lequel elle n'était ni appelée ni mentionnée ; qu'il s'ensuit que la SA Y n'ayant retiré aucune contrepartie de la dépense qu'elle a exposée en la faveur de M.C..., c'est à bon droit que l'administration a qualifié celle-ci de revenu distribué et, sur le fondement des dispositions précitées du c. de l'article 111 du code général des impôts, en a imposé le montant entre les mains de M. et MmeC... ;

Cour de cassation du , arrêt n°15VE01815

Commentaire de LégiFiscal

L'emploi de l'article 111,c du CGI semble opportun en l'espèce, du fait que le contentieux dont la société a supporté les frais, ne l'impliquait pas directement.

Ainsi, une libéralité a bien été accordée à ses dirigeants.