Contexte de l'affaire
CE 25 octobre 2017 n°396954
La procédure de répression des abus de droit, qui peut entraîner l'application d'une pénalité de 80%, concerne notamment:
- les montages purement fictifs,
- les montages dont la seule finalité est de réduire son imposition.
La convention franco-luxembourgeoise permettait (avant la signature d'un avenant en 2006) d'exonérer les plus-values immobilières réalisées en France par des sociétés luxembourgeoises.
En l'espèce, un résident français s'était engagé à acquérir auprès de deux époux un ensemble immobilier situé en Haute Savoie. Le même jour, il créa une holding au Luxembourg dont il était le gérant majoritaire.
Finalement, la vente fut réalisée entre les époux et la société nouvellement créée, pour un prix de 2,9 millions d'euros.
La société céda ensuite l'immeuble 4,9 millions d'euros à une SARL entre temps créée en France et ayant pour gérante et unique associée l'épouse du contribuable. Cette cession fut exonérée d'impôt sur les plus-values.
L'administration mit en oeuvre la procédure spéciale de répression de l'abus de droit de l'article L.64 du Livre des procédures fiscales et écarta l'interposition de la société luxembourgeoise. Les juges du fond confirmèrent cette position.
Le Conseil d'Etat rejette le pourvoi du contribuable. En effet, pour lui, l'interposition de la société luxembourgeoise n'était justifiée par aucun motif économique, organisationnel ou financier et que cette société n'a jamais développé aucune autre activité immobilière. Ainsi, l'opération était artificielle et n'avait pour objet que de réduire l'imposition.
Extraits de l'arrêt
3. En second lieu, aux termes de l'article 4 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, dans sa rédaction alors en vigueur, antérieure à l'avenant du 24 novembre 2006 : " Les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable ". En vertu de ces stipulations, la plus-value réalisée, à l'occasion de la vente d'un bien immobilier situé sur le territoire français, par une entreprise industrielle et commerciale luxembourgeoise n'exploitant aucun établissement stable en France n'était pas imposable en France.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, que l'interposition de la société luxembourgeoise X, substituée à M.E..., qui avait initialement signé la promesse d'achat en son nom propre, n'était justifiée par aucun motif économique, organisationnel ou financier et que cette société n'a jamais développé aucune autre activité immobilière en dépit du changement, d'ailleurs postérieur à l'acquisition litigieuse, de son objet social. Dans ces conditions, en jugeant que l'interposition de la société luxembourgeoise X dans l'opération immobilière litigieuse était artificielle et qu'elle n'avait eu d'autre but que de faire échapper la plus-value de cession à toute imposition en France, la cour administrative d'appel de Versailles n'a entaché son arrêt ni de dénaturation, ni d'inexacte qualification juridique des faits.
5. Les Etats parties à la convention fiscale franco-luxembourgeoise ne sauraient être regardés comme ayant entendu, pour répartir le pouvoir d'imposer, appliquer ses stipulations à des situations procédant de montages artificiels dépourvus de toute substance économique. Il suit de là qu'en jugeant que l'opération litigieuse était contraire aux objectifs poursuivis par les deux Etats signataires, la cour n'a entaché son arrêt d'aucune erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que la cour n'a pas entaché son arrêt d'inexacte qualification juridique en jugeant que l'opération litigieuse était constitutive d'un abus de droit.
Commentaire de LégiFiscal
Le comité consultatif des abus de droit s'est déjà prononcé sur des montages visant à utiliser les dispositions favorables des conventions internationales afin de réduire son imposition.
Généralement, en pareille hypothèse (montage particulièrement artificiel), l'abus de droit est effectivement retenu.
Signalons le fait qu'un avenant à la convention fiscale signé en 2006, a rétabli une imposition des cessions réalisées en France par des sociétés luxembourgeoises.