Présomption de prêt familial et ESFP

Jurisprudence
Fiscalité Contrôle fiscal

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Contexte de l'affaire

CE 11 octobre 2017 n°398684

Les sommes mises à disposition d'un membre d'un groupe familial sont considérées comme des prêts familiaux et ne peuvent ainsi être taxées en tant que crédits bancaires dont le contribuable ne peut justifier l'origine dans le cadre d'un ESFP (examen de la situation fiscale personnelle). Cette présomption n'est cependant pas irréfragable et l'administration peut la combattre.

En l'espèce, un contribuable fit l'objet d'un ESFP et dut justifier, à l'issu de celui-ci, l'inscription, sur son compte bancaire, des sommes de 201.000, 80.000 et 30.000 euros. Il soutint que ces sommes furent mises à sa disposition par son père et par son frère afin d'acheter un bien immobilier et constituaient ainsi un prêt familial, ne pouvant être taxées d'office à l'impôt sur le revenu.

Cet argument fut rejeté par l'administration, qui considéra que les prêteurs ne disposaient pas de revenus suffisants afin de réaliser les prêts invoqués par le contribuable. Ainsi, les sommes versées étaient disproportionnées par rapport aux sommes déclarées par le père et le frère. De ce fait, les sommes justifiées furent taxées d'office.

Le requérant fit valoir devant les juges du fond, que les sommes litigieuses provenaient d'une activité non déclarée d'achat et de revente de véhicules automobiles. Cet argumentaire fut rejeté.

Le Conseil d'Etat donne raison à la Cour administrative d'appel. En effet, le requérant n'apporte pas d'éléments permettant d'établir que cette activité d'achat revente était de nature à procurer aux prêteurs des revenus leur permettant de consentir un prêt ou un don familial à hauteur des sommes en cause. La taxation d'office est donc justifiée.

Extraits de l'arrêt

5. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / L'administration peut (...) demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...) Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur ". Aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

6. L'administration fiscale a imposé les sommes de 201 000 euros, 80 000 euros et 30 000 euros inscrites respectivement au crédit du compte bancaire de M. D... C...le 29 mai 2007, le 14 juin 2007 et le 20 juin 2007 et demeurées inexpliquées en tant que discordance de trésorerie. Le ministre demande toutefois à ce que ces sommes soient imposées, non pas au titre du solde inexpliqué de la balance de trésorerie, mais sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales en tant que crédits bancaires demeurés injustifiés. Dès lors que les sommes restant en litige pouvaient légalement faire l'objet d'une taxation sur le fondement de ces articles au titre des crédits bancaires demeurés injustifiés et que le requérant n'a été privé, en l'espèce, d'aucune garantie de procédure, dans la mesure où ces sommes prises en compte par la balance de trésorerie ont été mentionnées par la demande de justification portant sur les crédits d'origine inexpliquée, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de base légale du ministre.

7. Il résulte de l'instruction que M. D... C..., qui a établi que son père et que son frère ont viré sur son compte bancaire de la Société générale n°00050105858 les sommes de 201 000 euros, 80 000 euros et de 30 000 euros respectivement les 29 mai 2007, 14 juin 2007 et 20 juin 2007, soutient que ces sommes correspondent à une entraide familiale afin de lui permettre d'acquérir un bien immobilier sis 15 allée des Bosquets au Raincy par l'intermédiaire d'une société civile immobilière. Le ministre fait toutefois valoir que les sommes ainsi versées sont disproportionnées par rapport aux revenus déclarés par son père, qui n'a déclaré que 25 500 euros au titre de l'année 2007, et par son frère, qui n'a pas déclaré de revenus au titre de la même année. Si M. D... C...soutient que son père et son frère exerçaient une activité non déclarée d'achat et de revente de véhicules automobiles, il n'apporte pas d'élément permettant d'établir que cette activité était de nature à leur procurer des revenus leur permettant de consentir un prêt ou un don familial à hauteur des sommes en cause. Par suite, M. D... C...ne justifie pas du caractère non imposable des sommes concernées en se bornant à se prévaloir de leur origine familiale.

Cour de cassation du , arrêt n°398684

Commentaire de LégiFiscal

L'administration peut ainsi taxer d'office à l'impôt sur le revenu les prêts familiaux, en prenant en compte la situation des prêteurs. Ainsi, le contribuable peut être amené à justifier les sommes transférées sur son compte.

En outre, les sommes provenant d'une activité non déclarée peuvent être qualifiées de prêt familial, si le requérant est capable d'établir le lien entre cette activité et les sommes prêtées.