Immobilisation des frais versés afin de changer l'affectation d'un logement

Jurisprudence
Fiscalité Bénéfice imposable Nouveauté 2017

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Contexte de l'affaire

CE 21 juillet 2017 n°395457

En vertu des dispositions de l'article L 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, soumis à autorisation préalable dans les communes de plus de 200.000 habitants où situées en région parisienne. L'autorisation peut être subordonnée à une compensation  sous la forme de la transformation en locaux d'habitation de locaux ayant un autre usage

En l'espèce, une société fit l'acquisition d'un ensemble immobilier à usage d'habitation en vue d'y installer son siège social et comptabilisa des amortissements sur la totalité du prix d'acquisition. Elle conclut en outre une convention de cession de « droit de commercialité » avec une autre société, dans laquelle cette dernière prévoyait de transformer en locaux d’habitation les locaux commerciaux qu’elle détenait, en contrepartie d’une indemnité, qui fut déduite de son résultat imposable.

 A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale réintégra les amortissements correspondant à la valeur du terrain d'assiette de la construction et réintégra également dans son résultat imposable le montant de l'indemnité qu'elle versa en contrepartie de l'acquisition du droit de commercialité. En effet, pour l'administration, cette dépense constituait un coût directement engagé pour la mise en état d'utilisation de l'immeuble et devait être amortie.

Les juges du fond et le Conseil d'Etat donne raison à l'administration, en jugeant que l'indemnité versée, qui a pour effet d'accroître la valeur de l'immeuble, constituait un coût directement engagé pour la mise en état d'utilisation de celui-ci, et non une charge déductible, quand bien même, ainsi que le fait valoir la société, l'autorisation administrative n'exigeait pas que la compensation fasse l'objet d'une indemnisation.

Extraits de l'arrêt

11. L'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts cité au point 2 ci-dessus dispose que la valeur d'origine à laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan s'entend, lorsqu'elles ont été acquises à titre onéreux, du prix d'achat majoré notamment des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien. Aux termes de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable à la date de l'autorisation délivrée à la requérante : " Dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable. (...) ". Aux termes de l'article L. 631-7-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la même date : " L'autorisation préalable au changement d'usage (...) peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage. / L'autorisation de changement d'usage est accordée à titre personnel. Elle cesse de produire effet lorsqu'il est mis fin, à titre définitif, pour quelque raison que ce soit, à l'exercice professionnel du bénéficiaire. Toutefois, lorsque l'autorisation est subordonnée à une compensation, le titre est attaché au local et non à la personne. (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, l'autorisation de changement d'usage exigée par ces dispositions étant, à Paris, subordonnée à une mesure de compensation consistant à transformer d'autres locaux professionnels en locaux à usage d'habitation, la société X a conclu une convention de cession de " droit de commercialité " avec la société Y en octobre 2003, prévoyant l'engagement de cette dernière de transformer en locaux d'habitation les locaux commerciaux qu'elle détenait, en contrepartie d'une indemnité de 750 000 euros hors taxes. Par une décision du 26 avril 2007, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, constatant que la compensation avait été effectivement réalisée, a accordé l'autorisation administrative. La société X a alors versé l'indemnité convenue et l'a déduite de son résultat imposable au titre de l'exercice clos en 2007. L'administration a remis en cause cette déduction en regardant cette somme comme un coût directement engagé pour la mise en état d'utilisation de l'immeuble au sens des dispositions de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts.

13. La cour a relevé que la société requérante souhaitait installer son siège social dans l'immeuble en litige et que l'autorisation administrative mentionnée au point précédent était nécessaire pour qu'elle puisse l'affecter à cet usage. Dès lors que l'autorisation était attachée au local et non à la personne de son bénéficiaire, comme le prévoit la troisième phrase, citée au point 11, du deuxième alinéa de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'indemnité versée, qui a pour effet d'accroître la valeur de l'immeuble, constituait un coût directement engagé pour la mise en état d'utilisation de celui-ci pour l'application de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code, et non une charge déductible, quand bien même, ainsi que le fait valoir la société, l'autorisation administrative n'exigeait pas que la compensation fasse l'objet d'une indemnisation.

Cour de cassation du , arrêt n°395457

Commentaire de LégiFiscal

Ici encore, la problématique concernant la différence entre charges déductibles et dépenses entrant dans le prix d'acquisition d'une immobilisation est posée. Ainsi, les secondes ne peuvent être immédiatement déduites mais sont amortissables.

Ainsi, le Conseil d'Etat pose le principe que l'indemnité versée au titre du droit de commercialité entre dans le coût d'acquisition de l'immeuble et ne peut être déduite au titre de l'exercice durant lequel elle a été payée.