Contexte de l'affaire
C.consti 15 décembre 2017 n°2017-679
En vertu des dispositions de l'article 885 G ter du CGI, les biens ou droits placés dans un trust défini ainsi que les produits qui y sont capitalisés sont compris, pour leur valeur vénale nette au 1er janvier de l'année d'imposition, selon le cas, dans le patrimoine du constituant ou dans celui du bénéficiaire qui est réputé être un constituant. Ces dispositions ne s'appliquent pas, sous certaines conditions, aux trusts irrévocables dont les bénéficiaires exclusifs relèvent de l'article 795 du code général des impôts.
En l'espèce, un contribuable soutenait devant devant le Conseil d'Etat que ces dispositions sont contraires au principe d'égalité devant les charges publiques issu de l'article 13 de la Déclaration de 1789 dans la mesure où elles prévoient le rattachement systématique des biens et droits placés dans un trust au patrimoine du constituant, ou du bénéficiaire réputé constituant, alors que ces biens ou droits, ainsi que les revenus qu'ils procurent, sont susceptibles, selon les modalités de constitution retenues, de ne conférer aucune capacité contributive au redevable ainsi désigné.
La question de constitutionnalité fut considérée comme sérieuse par le Conseil d'Etat, qui la renvoya devant le Conseil constitutionnel.
Ce dernier juge que l'imposition à l'ISF du constituant sur les biens placés dans un trust est conforme à la Constitution.
En effet, cette présomption a pour objet de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale.
Toutefois, le Conseil a émis une réserve d'interprétation. En effet, le constituant doit pouvoir prouver que les biens, droits et produits en cause ne lui confère aucune capacité contributive, résultant notamment des avantages directs ou indirects qu'il en tire (revenus...) . Cette preuve ne saurait résulter uniquement du caractère irrévocable du trust et du pouvoir discrétionnaire de gestion de son administrateur.
Extraits de l'arrêt
5. Les dispositions contestées incluent les biens ou droits placés dans un trust, ainsi que les produits qui y sont capitalisés, dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune dû par le constituant du trust ou de son bénéficiaire réputé constituant. Ces dispositions ne s'appliquent pas, sous certaines conditions, aux trusts irrévocables dont les bénéficiaires exclusifs relèvent de l'article 795 du code général des impôts.
6. En instituant l'impôt de solidarité sur la fortune, le législateur a entendu frapper la capacité contributive que confère la détention d'un ensemble de biens et de droits.
7. En adoptant les dispositions contestées applicables aux biens ou droits placés dans un trust, le législateur a instauré, à des fins de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, une présomption de rattachement au patrimoine du constituant de ces biens, droits ou produits. Le législateur a ainsi tenu compte de la difficulté, inhérente aux trusts, de désigner la personne qui tire une capacité contributive de la détention de tels biens, droits ou produits. Ce faisant, il s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels en fonction de l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales qu'il a poursuivi.
8. Les dispositions contestées ne sauraient toutefois, sans que soit méconnue l'exigence de prise en compte des capacités contributives du constituant ou du bénéficiaire réputé constituant du trust, faire obstacle à ce que ces derniers prouvent que les biens, droits et produits en cause ne leur confèrent aucune capacité contributive, résultant notamment des avantages directs ou indirects qu'ils tirent de ces biens, droits ou produits. Cette preuve ne saurait résulter uniquement du caractère irrévocable du trust et du pouvoir discrétionnaire de gestion de son administrateur.
9. Sous la réserve énoncée au paragraphe 8, le premier alinéa de l'article 885 G ter du code général des impôts, qui ne méconnaît ni l'article 13 de la Déclaration de 1789, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution.
Commentaire de LégiFiscal
Un nouveau dispositif similaire concernerait l'imposition à l'IFI des biens immobiliers situés dans un trust.
Le législateur devra prendre en considération la réserve d'interprétation susvisée.
En outre, du fait de celle-ci, les constituants peuvent effectuer un recours lorsque les biens placés dans un trust ne leur confèrent aucune capacité contributive.