Constitutionnalité du seuil de 10% en matière de plus-value en report d'imposition

Jurisprudence
Fiscalité Plus-values mobilières

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Contexte de l'affaire

CE 20 décembre 2017 n°414935

En vertu des dispositions de l'article 150-0B ter du CGI, l'imposition de la plus-value réalisée lors de l'apport , par une personne physique, de ses titres à une société qu'elle contrôle, est reportée.

Ce report d'imposition prend fin :

- en cas de cession à titre onéreux des titres reçus en contrepartie de l'apport,

- en cas de cession, rachat, remboursement ou annulation des titres apportés dans un délai de 3 ans.

L'apport est immédiatement imposable lorsque la soulte (somme versée afin de compenser l'excédent de valeur des titres reçus en échange) excède 10% de la valeur nominale des titres reçus.

Pour le requérant, ces dispositions, en pénalisant le versement d'une soulte conséquente, méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, prévus aux articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en créant un effet de seuil excessif.

Le Conseil d'Etat juge la question de constitutionnalité posée comme non sérieuse. En effet, il rappelle que le législateur, en instaurant ce report d'imposition,  a entendu favoriser les échanges de titres en évitant que l'imposition immédiate de la plus-value constatée à l'occasion d'une telle opération, alors que le contribuable ne dispose pas des liquidités lui permettant d'acquitter cet impôt, fasse obstacle à sa réalisation.

En réservant ainsi le report aux seules opérations donnant lieu au versement d'une soulte faible, le législateur s'est fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport avec les objectifs poursuivis par le législateur.

Commentaires de legifiscal

3. En application de l'article 150-0 A du code général des impôts, la plus-value qu'une personne physique retire d'un apport de titres ou droits est soumise à l'impôt sur le revenu au titre de l'année de sa réalisation. Toutefois, le contribuable bénéficie, en vertu des dispositions précitées de l'article 150-0 B ter du même code, d'un report d'imposition si l'apport est effectué à une société qu'il contrôle et que le montant de la soulte perçue, le cas échéant, n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus à l'échange. 

4. En instaurant un mécanisme de report d'imposition, le législateur a entendu favoriser les restructurations d'entreprises susceptibles d'intervenir par échange de titres en évitant que l'imposition immédiate de la plus-value constatée à l'occasion d'une telle opération, alors que le contribuable ne dispose pas des liquidités lui permettant d'acquitter cet impôt, fasse obstacle à sa réalisation. Il a cependant limité le champ de ce régime aux seules opérations pour lesquelles l'échange de titres n'est accompagné du versement de liquidités que dans une faible proportion, ce pour éviter, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2017-638 QPC du 16 juin 2017 à propos du mécanisme du sursis d'imposition, notamment au titre de la lutte contre l'évasion fiscale, que des opérations puissent en bénéficier alors qu'elles ne se limitent pas à un échange de titres, mais dégagent également une proportion significative de liquidités.

5. En réservant ainsi le champ de ce régime de faveur aux seules opérations qui donnent lieu au versement d'une soulte d'un montant inférieur ou égal à 10 % de la valeur nominale des titres reçus en échange de l'apport, le législateur s'est fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport avec les objectifs poursuivis et n'a ainsi pas méconnu les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Est à cet égard sans incidence la circonstance que l'opération d'échange de titres considérée n'ait ni pour objet ni pour effet de contourner la loi fiscale, dès lors qu'ayant donné lieu au versement d'une soulte d'un montant qui dépasse le seuil fixé, elle n'entre plus dans le champ des opérations que ces dispositions entendent favoriser. 

Cour de cassation du , arrêt n°414935

Commentaire de LégiFiscal

Le Conseil constitutionnel (Cons. consti. 16 juin 2017 n° 2017-638 QPC) a déjà jugé que l'article 150-0D, disposant que le sursis d'imposition prévu en cas d'échange de titres est subordonné au respect du seuil de 10% susvisé, est constitutionnel.

Le Conseil d'Etat, cette fois-ci, n'effectue aucun renvoi devant le juge constitutionnel, considérant que la question de constitutionnalité posée n'est pas sérieuse.