Contexte de l'affaire
CAA Douai 18 janvier 2018 n°16DA00868
Les contribuables déclarant des traitements et salaires peuvent déduire de leurs revenus imposables un abattement de 10%.
Néanmoins, ils peuvent également déduire les frais qu'ils ont engagés dans le cadre de leur profession (frais réels) : frais de déplacement, frais de nourriture, les frais de double résidence...
Les frais de double résidence concernent les contribuables, qui pour des raisons professionnelles, doivent vivre dans un autre logement que celui de leur foyer fiscal.
La double résidence est justifiée par l'impossibilité de maintenir une seule résidence compte tenu du lieu de travail de chacun des époux, partenaires à un pacte civil de solidarité ou concubins.
Si cette justification est apportée, les dépenses suivantes peuvent être déduites :Le loyer, les intérêts d’emprunt en cas d’achat, les impôts locaux, les frais supplémentaires de repas, les frais kilométriques pour rejoindre son foyer (un aller retour par semaine), les frais d’eau et d’électricité.
En l'espèce, une contribuable célibataire exerçait la profession de magistrate. En 2009, 2010 et 2011, elle travaillait à Amiens mais avait son domicile principal à Dieppe. Ainsi, elle déduisit ses frais de double résidence.
L'administration remit en cause cette déduction, au motif que la requérante n'était pas tenue de conserver sa résidence à Dieppe. Celle-ci soutenait que le maintien de sa résidence à Dieppe était justifié par le fait qu'elle avait fait l'objet d'une intervention hospitalière impliquant, pour le suivi, une résidence dans cette ville et par l'état de santé de sa mère
Si les juges du fond furent sensibles à ces arguments et accordèrent une décharge des cotisations supplémentaires, la Cour administrative d'appel de Douai annula le jugement du Tribunal administratif.
En effet, pour elle :
- rien n'indique que la requérante aurait été contrainte de résider dans l'agglomération dieppoise pour assurer le suivi de son intervention,
- la situation de santé de l'intéressée au cours des années en cause ne saurait être regardée comme ayant constitué une circonstance particulière justifiant la déduction des frais,
- la requérante n'établit pas que l'état de santé de sa mère aurait nécessité une présence permanente ou des visites quotidiennes auprès d'elle, ce qui en outre aurait été difficilement conciliable avec l'exercice de ses fonctions professionnelles
Extraits de l'arrêt
4. En premier lieu, il ressort des documents produits que l'intervention hospitalière du 9 juillet 2009 qu'elle a subie s'est déroulée de façon satisfaisante, et en dépit de son importance, n'a donné lieu qu'à un suivi régulier dans la clinique située en Seine-Maritime où elle avait été hospitalisée. Il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été contrainte de résider dans l'agglomération dieppoise pour assurer ce suivi. Par suite, la situation de santé de l'intéressée au cours des années en cause ne saurait être regardée comme ayant constitué une circonstance particulière justifiant la déduction des frais réels précités.
5. En deuxième lieu, la mère de la contribuable, née en 1927, qui habite à quelques kilomètres du domicile de sa fille, s'est vu reconnaître le 2 octobre 2007 et pour une durée de dix ans, par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, " la carte de priorité pour personnes handicapées du 1er mars 2007 au 1er mars 2017 ", en raison d'un taux d'incapacité inférieur à 80 %. Il ressort de l'instruction qu'elle souffre également de différentes pathologies. Cependant, par les documents qu'elle produit, MmeA..., qui disposait d'un domicile distinct de celui de sa mère, n'établit pas que l'état de santé de celle-ci aurait nécessité une présence permanente ou des visites quotidiennes auprès d'elle, ce qui en outre aurait été difficilement conciliable avec l'exercice de ses fonctions professionnelles à Amiens. Par suite, la situation de santé de sa mère n'a pas davantage constitué une circonstance particulière justifiant la déduction des frais réels précités.
6. En dernier lieu, pour justifier de la déductibilité des frais réels en cause, Mme A...ne peut utilement se borner à soutenir que la réalisation d'une mobilité professionnelle est nécessaire à un déroulement de carrière satisfaisant.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'intéressée n'établit pas que le maintien de sa résidence à Dieppe a résulté d'autres motifs que de convenances personnelles. Par suite, les frais de transports, de logements et autres frais annexes qu'elle a exposés, en 2009, 2010 et 2011, en raison de la distance séparant sa résidence familiale de son lieu de travail, n'ont pas présenté le caractère de frais inhérents à la fonction et à l'emploi et n'étaient, dès lors, pas déductibles des revenus qu'elle a tirés de l'exercice de son activité salariée en France.
8. C'est par suite à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges l'ont déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2009, 2010 et 2011. Ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu doivent donc être remises à sa charge et le jugement du 25 février 2016 du tribunal administratif de Rouen doit être annulé.
Commentaire de LégiFiscal
Cet arrêt montre qu'il est très difficile de justifier des frais de double résidence lorsque l'éloignement ne perturbe pas la vie de famille (couple/enfants). Ainsi, les célibataires peuvent difficilement déduire de tels frais.