Contexte de l'affaire
CE 5 février 2018 n°409718
En vertu de l'article L64 du LPF, les actes constitutifs de l'abus de droit:
- ont un caractère fictif,
- ne sont inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer la charge fiscale
Un acte fictif ne correspond à aucune réalité (bail fictif, société Fictive...) ou à une réalité trompeuse (vente déguisant une donation...).
Dans le second cas, on a détourné l'intention des auteurs d'un texte par une application littérale de celui-ci et le but recherché est exclusivement fiscal (certaines optimisations fiscales).
Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter ces actes.
En l'espèce, un contribuable avait fait donation à sa fille de deux ans de titres d'une société. Ces titres furent cédés quelques jours après et aucune plus-value ne fut constatée.
L'administration considéra que l'opération était une donation fictive constitutive d'un abus de droit, en regardant la cession de ces titres par sa fille à une autre société comme ayant été en réalité effectuée par le contribuable. Celui-ci fut donc imposé à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux sur la plus-value réalisée.
La Cour administrative d'appel donna raison à l'administration. En effet, en l'absence de saisine du comité de l'abus de droit, cette dernière apporta tous les éléments de preuve permettant d'établir que la donation était fictive soit :
- la concomitance entre la donation et la cession,
- le fait que le contribuable avait librement accès au compte de son enfant et que 82 % du prix de cession avait été porté au crédit de plusieurs comptes rémunérés ouverts conjointement à son nom et à celui de son épouse,
- la circonstance que les documents, intitulés " contrats de prêt " signés par le requérant et son épouse par lesquels ils s'engageaient à rembourser à leur fille, au plus tard le 27 août 2027, les sommes qu'ils avaient inscrites sur leurs comptes, n'avaient pas été enregistrés et étaient dépourvus de date certaine.
Pour le Conseil d'Etat, la cour a correctement jugé que l'administration apportait la preuve que le requérant ne s'était pas dépouillé de manière immédiate et irrévocable de son bien.
Extraits de l'arrêt
Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 17 septembre 2010, M.A..., qui détenait 21 242 parts sociales de la société X, a fait une donation à sa fille Louison, alors âgée de deux ans, de 11 410 de ces titres et a cédé le reste à son épouse. Le " contrat de cession d'actions " signé le 23 septembre 2010 par lequel la société Y s'était engagée à acquérir l'intégralité des parts sociales de la société X mentionnait que la valeur totale des 11 410 parts détenues par Louison A...est de 256 981,98 euros. Il ressort de l'annexe à l'" acte réitératif de cessions d'actions " du 7 octobre 2010 que cette somme a été versée à cette date par la société Y....
7. La cour a relevé que la somme de 256 981,98 euros résultant du produit de cession des titres de X...a d'abord été créditée sur un compte ouvert à son nom auquel, en sa qualité de représentant légal, M. A...avait librement accès, qu'ensuite M. A...a appréhendé dans les mois qui ont suivi plus de 82 % de cette somme en la portant au crédit de plusieurs comptes rémunérés ouverts conjointement à son nom et à celui de son épouse et que ces comptes n'étaient pas bloqués et étaient à la disposition de leurs titulaires. Elle a aussi relevé que les documents, intitulés " contrats de prêt " signés par M. et Mme A...en avril 2011 par lesquels ils s'engageaient à rembourser à leur fille, au plus tard le 27 août 2027, les sommes qu'ils avaient inscrites sur leurs comptes, n'avaient pas été enregistrés et étaient dépourvus de date certaine. Ce faisant, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits en en déduisant que l'administration apportait la preuve qui lui incombait que le requérant ne s'était pas dépouillé de manière immédiate et irrévocable de son bien, alors même que M. A...soutenait avoir entendu assurer l'autonomie financière de sa fille et qu'il disposait avec son épouse de la qualité d'administrateur légal de ses biens pendant sa minorité, et en jugeant que la donation revêtait un caractère fictif et n'était pas opposable à l'administration en application des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.
Commentaire de LégiFiscal
Ici le Conseil d'Etat ne critique pas strictement le recours à la donation-cession (fait de céder les titres peu de temps après la donation afin d'apurer la plus-value), mais le fait que le donateur ne s'est pas entièrement dépouillé de son bien. Ainsi, la donation est fictive.