Contexte de l'affaire
CAA Bordeaux 16 mars 2018 n°16BX00922
Le crédit d'impôt recherche bénéficie aux sociétés réalisant des opérations de recherche et développement.
Son taux est de 30% et il est assis sur les dépenses suivantes : les amortissements des immobilisations affectées à la réalisation d'opérations de recherche,les primes et cotisations afférentes aux contrats d'assurance de protection juridique afférents aux litiges portant sur un brevet ou un certificat d’obtention végétale (COV), les dépenses de participation aux réunions officielles de normalisation, les dépenses de sous traitance, les dotations aux amortissements,les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche, les dépenses de jeunes docteurs, les dépenses de fonctionnement, fixées forfaitairement à 75% des dotations aux amortissements, 50% des dépenses de personnel et 200% des dépenses de jeunes docteurs, la prise de maintenances des brevets et des COV, les dépenses de veille technologique et les dépenses de défense des brevets et des COV.
Dans le cadre du portage salarial, une personne, qui accomplit des prestations auprès d'entreprises clientes qu'elle recherche elle-même, peut conclure un contrat de travail avec une entreprise de portage salarial. Celle-ci le rémunérera pour les prestations effectuées chez le client.
En l'espèce, l'administration avait remis en cause le crédit d'impôt recherche dont une société de portage salarial.
Elle avait conclu avec deux sociétés des contrats de prestations de services aux termes desquels elle mettait à leur disposition des ingénieurs conseils pour effectuer des travaux portant, pour la première société, sur l'étude, la conception et la réalisation d'un calculateur embarqué, et pour la seconde, sur le routage haute performance d'avions.
Le tribunal administratif donna raison à l'administration et la société interjeta appel.
Elle fit valoir devant la Cour administrative d'appel les arguments suivants :
- la nature de ses activités ainsi que sa responsabilité envers ses clients lui permettaient de bénéficier du crédit d'impôt recherche,
- le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, a agréé une société de portage salarial en tant qu'organisme privé de recherche,
- elle était fondée à se prévaloir de l'instruction administrative du 26 décembre 2008 A-10-08 n° 21 en ce qu'elle précise que " les dépenses de recherche engagées par une entreprise non agréée comme organisme de recherche peuvent continuer à être prises en compte pour le calcul de son propre crédit d'impôt recherche, dans les conditions prévues à l'article 244 quater B, y compris dans 1'hypothèse où elles font l'objet de refacturation.
La Cour administrative d'appel rejette la requête.
En effet, pour elle, seules les sociétés clientes de la société de portage ont exposé des dépenses de recherche en recourant, pour des besoins temporaires de main d'oeuvre experte, non au recrutement de chercheurs sur la base d'un contrat de travail, mais aux prestations des ingénieurs de cette société.
Son rôle est simplement de mettre des chercheurs à la disposition de ses clients et elle ne supporte pas les risques liés aux opérations de recherche. Elle n'est qu'un fournisseur de main d'oeuvre et non un sous traitant.
En outre, elle ne peut invoquer la doctrine administrative susvisée car elle ne peut pas être regardée comme effectuant elle-même des opérations de recherche.
Extraits de l'arrêt
6. La société X, qui exerce l'activité de portage salarial, a conclu avec la société Y et la société Z des contrats de prestations de services aux termes desquels elle mettait à leur disposition des ingénieurs conseils pour effectuer des travaux portant, pour la première société, sur l'étude, la conception et la réalisation d'un calculateur embarqué, et pour la seconde, sur le routage haute performance des Airbus A 350 et A 380, selon les cahiers des charges figurant dans les appels d'offres émis par ces sociétés. La société X soutient qu'elle pouvait bénéficier du crédit d'impôt recherche en application des dispositions précitées.
7. Il résulte toutefois du régime du contrat commercial de prestation de portage salarial que les sociétés clientes de la société X, et non la société X, ont déterminé, dans le cadre d'un appel d'offres, les recherches dont la réalisation a été confiée aux ingénieurs salariés de la société X. Seules les sociétés clientes de la société de portage ont exposé des dépenses de recherche en recourant, pour des besoins temporaires de main d'oeuvre experte, non au recrutement de chercheurs sur la base d'un contrat de travail, mais aux prestations des ingénieurs de la société X, et en payant ces prestations à la société X.
8. Par suite, la société X, qui conclut avec l'entreprise cliente un contrat commercial de prestation de portage reprenant les éléments de la négociation de la prestation convenus entre le salarié porté et l'entreprise cliente et ayant seulement pour objet de mettre des chercheurs à la disposition de ses clients, ne peut prétendre au bénéfice du crédit d'impôt recherche pour des recherches dont elle-même n'a pas défini le contenu ni supporté le coût et les risques.
9. La société X ne peut pas non plus utilement faire valoir qu'elle veille à la bonne exécution du contrat commercial de portage salarial dont elle est responsable jusqu'au terme de la mission des salariés portés, que les salariés portés qu'elle emploie doivent lui rendre compte du déroulement de leur mission, que son directeur est lui-même un ingénieur et qu'elle a souscrit un contrat d'assurance couvrant les activités de portage en ingénierie et recherche.
Commentaire de LégiFiscal
La Cour administrative d'appel de Bordeaux vient combler un vide juridique, en précisant que les sociétés de portage salarial ne peuvent bénéficier du crédit d'impôt recherche.
On attend la décision du Conseil d'Etat en la matière.