Contexte de l'affaire
CE 6 avril 2018 n°405509
Le régime des monuments historiques est une modalité dérogatoire de déduction des charges foncières, concernant certains immeubles spéciaux (inscription à l'inventaire supplémentaire, classement, agrément du ministre de l'économie et des finances).
Ainsi, si l'immeuble ne procure aucune recette, le contribuable peut déduire de son revenu global les certaines dépenses comme les travaux de réparation, d'amélioration et d'entretien, les cotisations de stricte entretien, les assurances, les intérêts d'emprunt, les frais de gestion ou la taxe foncière. Pour cela, il doit se garder la jouissance du bien.
En l'espèce, une SCI était propriétaire d'un château inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Les associés de la société occupaient une partie de celui-ci comme résidence principale et une autre partie était exploité commercialement dans le cadre d'une activité de chambre d'hôte.
A la suite d'un contrôle sur pièces de la SCI, l'administration fiscale remit en cause les charges imputées sur ses revenus fonciers à raison de travaux de réparation et d'entretien réalisés et assujettit les associés à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux.
Dans le cadre d'une réclamation, les contribuables demandèrent que les charges litigieuses soient imputées sur leur revenu global. Cette demande fut rejetée par l'administration et par la Cour administrative d'appel de Marseille.
Ainsi, la Cour (CAA Marseille 29 septembre 2016 n°15MA00694) soutint que les dépenses ne pouvaient être rattachées à un quelconque revenu foncier (aucun justificatif de versement des loyers n'a été produit), ni ne pouvaient être déduites du revenu global car le bien n'était pas intégralement réservé à la jouissance de ses propriétaires.
L'arrêt de la Cour est cassé par le Conseil d'Etat. En effet, pour celui-ci, lorsque l'utilisation personnelle ne porte que sur une partie du bien, sont déductibles du revenu global les charges foncières dont le contribuable justifie le lien existant avec cette partie. Lorsque les charges ne peuvent être affectées à une partie spécifique de l'immeuble, il appartient au contribuable de répartir ces dépenses entre les différentes parties selon une clef de répartition.
Extraits de l'arrêt
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI X est propriétaire d'un ensemble immobilier situé à Carpentras et à Mazan (Vaucluse), classé à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Les associés de cette SCI, M. et Mme B..., utilisent une partie de ce château comme résidence principale. A la suite d'un contrôle sur pièces de la SCI, l'administration fiscale a remis en cause les charges imputées sur ses revenus fonciers à raison de travaux de réparation et d'entretien réalisés au cours des années 2005 à 2010. Elle a en conséquence assujetti M. et Mme B...à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2008 et 2009. A l'appui de leur réclamation, les requérants ont alors demandé que ces charges soient admises en déduction de leur revenu global. L'administration a rejeté cette demande. M. et Mme B... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 29 septembre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a remis à leur charge les impositions dont ils avaient été partiellement déchargés par un jugement du tribunal administratif de Nîmes en date du 18 décembre 2014.
3. Il résulte de ces dispositions que les charges foncières liées aux immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire, qui ne procurent aucune recette, ne sont admises en déduction du revenu global de leur propriétaire qu'à la condition que celui-ci se réserve la jouissance de l'immeuble. Lorsque cette utilisation personnelle ne porte que sur une partie du bien, sont déductibles les charges foncières dont le contribuable justifie le lien existant avec cette partie. Lorsque les charges ne peuvent être affectées à une partie spécifique de l'immeuble, il appartient au contribuable de répartir ces dépenses entre les différentes parties de l'immeuble selon une clef de répartition adaptée à l'objet de ces charges. Il s'ensuit qu'en jugeant qu'aucune charge ne pouvait être déduite sur le fondement des dispositions de l'article 41 E de l'annexe III au code général des impôts au motif que l'immeuble n'était pas intégralement réservé à la jouissance de ses propriétaires, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. et Mme B...sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
Commentaire de LégiFiscal
Le Conseil d'Etat admet, tout en donnant une méthodologie afin d'assurer la bonne répartition des charges, que des dépenses foncières peuvent être imputées sur le revenu global en vertu du régime des monuments historiques, même si l'immeuble est partiellement occupé par le contribuable et ne procure aucune recette.