Question de constitutionnalité concernant la limite d'imputation des déficits dans les sociétés IS

Jurisprudence
Fiscalité Impôt sur les sociétés

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Contexte de l'affaire

CE 26 janvier 2018 n°415695

Les déficits des sociétés soumises à l'IS peuvent être imputés sans limitation de temps sur le revenu global.

Néanmoins, il existe une limite en manière d'imputation et ainsi, le montant des déficits antérieurs imputable sur le bénéfice de l'exercice est plafonné à 1 million d'euros + 50% de la fraction du bénéfice excédant 1 million d'euros. Par conséquent, 50% du bénéfice excédant 1.000 000 euros demeure taxable.

Les déficits non imputés demeurent imputables sans limite de temps.

Exemple : une société soumise à l'IS réalisant un déficit de 5 000 000 euros durant une année n et un bénéfice de 4 000 000 euros l'année suivante n+1, ne pourra déduire au titre de cette année n+1, qu'une somme de [1 000 000 € + 50% x (4 000 000 – 1 000 000)] = 2 500 000 €, d’où un bénéfice taxable en n+1 de 1 500 000 euros.

Le déficit non imputé (soit 2 500 000 euros) est reportable les bénéfices futurs.

Le plafond d'imputation d'1 million d'euros est majoré du montant des abandons de créance consentis à une société en difficulté. Cette majoration ne concerne que la société recevant l'aide financière à l'exclusion de celle qui la consent, depuis la loi de finances pour 2017 (article 209 du CGI)

Ainsi, la position de l'administration a été légalisée car le texte initial ne distinguait pas la situation des sociétés bénéficiaires de l'abandon de créance de celles qui consentent celui-ci. Ainsi, l'administration et les praticiens du droit pouvaient avoir une interprétation différente du texte.

Ce changement législatif a une portée interprétative et a donc un effet rétroactif. Il s'applique donc aux exercices clos depuis le 31 décembre 2012.

En l'espèce, le requérant soutenait que cette rétroactivité est contraire au principe de garantie des droits énoncé à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

La question de Constitutionnalité est jugée sérieuse par le Conseil d'Etat, qui la renvoie devant le Conseil constitutionnel.

Extraits de l'arrêt

2. En vertu du 3ème alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts : " Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice dans la limite d'un montant de 1 000 000 euros majoré de 50 % du montant correspondant au bénéfice imposable dudit exercice excédant ce premier montant (...) ". Selon le 4ème alinéa de ce I, dans sa version résultant de l'article 24 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 : " La limite de 1 000 000 euros mentionnée au troisième alinéa est majorée du montant des abandons de créances consentis à une société en application d'un accord constaté ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 611-8 du code de commerce ou dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ouverte à son nom ". Dans sa version issue du I de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, ce 4ème alinéa dispose : " Pour les sociétés auxquelles sont consentis des abandons de créances dans le cadre d'un accord constaté ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 611-8 du code de commerce ou lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ouverte à leur nom, la limite de 1 000 000 euros mentionnée à l'avant-dernier alinéa du présent article est majorée du montant desdits abandons de créances ". Le II de cet article 17 dispose : " Les dispositions du I ont un caractère interprétatif ".

3. Les dispositions du II de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, qui confèrent un caractère interprétatif à la nouvelle rédaction du 4ème alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts, issue du I de cet article 17, sont applicables au litige par lequel la société X demande l'annulation du paragraphe n° 220 des commentaires administratifs publiés le 10 avril 2013 au Bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-IS-DEF-10-30 et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte au principe de la garantie des droits énoncé à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

Cour de cassation du , arrêt n°415695

Commentaire de LégiFiscal

On attendra la décision du Conseil constitutionnel. Si celui-ci considère que la rétroactivité des dispositions susvisées est contraire à la Constitution, les entreprises ayant consenti des abandons de créance avant 2017 pourront faire une réclamation afin de majorer leurs déficits imputables.