Contexte de l'affaire
C.consti 13 avril 2018 n°2018-700
Les déficits pouvant être imputés en avant sur le bénéfice d'un exercice sont plafonnés 1 million d'euros + 50% de la fraction du bénéfice excédant 1 million d'euros. Par conséquent, 50% du bénéfice excédant 1.000 000 euros demeure taxable.
Le plafond de 1 million d'euros est majoré du montant des abandons de créance consentis à une société en difficulté.
Le texte instituant cette majoration (article 24 de la loi du 29 décembre 2012) ne précisait pas si celle-ci bénéficiait aux seules sociétés bénéficiaires de l'abandon de créance ou également aux sociétés consentant celles-ci. L'administration et les praticiens du droit pouvaient ainsi avoir une interprétation différente du texte, favorable ou non au contribuable.
La loi de finances pour 2017 est venue clarifier la situation, en disposant que seules les sociétés bénéficiaires de l'abandon de créance peuvent bénéficier de la majoration.
Cette précision a un caractère interprétatif et s'applique donc rétroactivement aux exercices clos depuis le 31 décembre 2012.
Pour le requérant, cette rétroactivité est contraire au principe de garantie des droits énoncé à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le Conseil d'Etat jugea cette question de Constitutionnalité sérieuse et la renvoya devant le Conseil constitutionnel.
Pour celui-ci, les dispositions incriminées sont conformes à la Constitution. En effet, pour lui, la majoration de la limite d'imputation a pour but de soutenir les entreprises en difficulté, soit les entreprises pouvant bénéficier d'un abandon de créances.
La loi de finances pour 2017 a remplacé des dispositions par d'autres, plus claires, ayant le même objet et la même portée. Du fait de leur caractère interprétatif, le législateur pouvait rendre ces nouvelles dispositions rétroactives.
Extraits de la décision
6. Dans sa rédaction résultant du paragraphe I de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2016, le dernier alinéa du paragraphe I de l'article 209 du code général des impôts prévoit que, pour les sociétés auxquelles sont consentis des abandons de créances, dans le cadre d'un accord constaté ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 611-8 du code de commerce ou lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ouverte à leur nom, la limite d'un million d'euros est majorée du montant de ces abandons de créances. Les dispositions contestées confèrent à ces dispositions un caractère interprétatif.
7. En premier lieu, en complétant le paragraphe I de l'article 209 du code général des impôts par la loi du 29 décembre 2012, le législateur a, ainsi qu'il résulte des travaux préparatoires, entendu donner aux sociétés auxquelles ont été consentis des abandons de créances dans le cadre d'une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires la possibilité de majorer la limite de déficit déductible du bénéfice d'un exercice, à hauteur du montant des abandons de créances qui leur ont été consentis au cours de cet exercice. Il a ainsi entendu soutenir les entreprises en difficultés.
8. En second lieu, afin de lever toute ambiguïté sur la détermination des sociétés bénéficiaires de cette majoration, la loi du 29 décembre 2016 a remplacé ces dispositions par d'autres, plus claires, ayant le même objet et la même portée. Dès lors, compte tenu de leur caractère interprétatif, le législateur pouvait, sans porter d'atteinte à des situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations, rendre ces nouvelles dispositions rétroactivement applicables à compter des exercices clos à partir du 31 décembre 2012. Le grief tiré de la méconnaissance de la garantie des droits résultant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté.
Commentaire de LégiFiscal
Le Conseil rappelle que les dispositions ayant un caractère interprétatif peuvent avoir un effet rétroactif.