Exonération des plus-values professionnelles (article 238 quindecies du CGI) et conservation d'un immeuble par le cédant

Jurisprudence
Fiscalité Plus-values professionnelles

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Contexte de l'affaire

CAA Nantes 18 juin 2018 n°17NT03689

En vertu des dispositions de l'article 238 quindecies, les plus-values relatives à la cession d'une branche complète d'activité, d'une entreprise individuelle ou de l'intégralité des parts d'une société de personnes peuvent bénéficier d'une exonération.



Celle-ci s'applique si les conditions suivantes sont cumulativement remplies :

- l'activité cédée doit avoir été exercée durant 5 ans.

- le cédant ne doit pas détenir plus de 50% des titres du cessionnaire ou exercer sa direction effective.

 La cession est totalement exonérée si la valeur des biens transmis est inférieure à 300 000 euros et partielle si cette valeur est comprise entre 300 000 et 500 000 euros.

 Seules sont éligibles les cessions emportant un véritable transfert économique et juridique de l'activité du cédant. Ainsi, la cession doit viser tous les éléments permettant de poursuivre l'activité.

Les immeubles affectés à l'exploitation peuvent être néanmoins conservés par le cédant si le cessionnaire s'en voit garantir l'usage dans des conditions normales.

En l'espèce, un exploitant agricole avait cédé à son fils l'EARL qu'il avait constituée avec son épouse.

A l'issu d'une vérification de comptabilité, l'administration remit en cause le bénéfice de l'article 238 quindecies, au motif que les bâtiments d'exploitation avait été repris dans le patrimoine privé du cédant. Le contribuable, quant à lui, fit valoir qu'il avait conclu un bail rural avec le cessionnaire, mettant à sa disposition ces bâtiments.

Les juges du fond donnèrent raison à l'administration et le Conseil d'Etat (CE 8 décembre 2017 n°407128) cassa l'arrêt de la Cour administrative d'appel, au motif que sa décision était entachée d'une erreur de droit.

La Cour administrative d'appel de Nantes, statuant après le renvoi de l'affaire, rejette encore les prétentions du contribuable.

En effet, la cour souligne que le bail rural avait été conclu pour une durée de 9 ans et non de 18 ans (durée normale pour ce type de bail). En outre,  la convention de mise à disposition prévoyait le cas du " Retrait des associés " en cours ou en fin de bail, ce qui était de nature d'y mettre fin.

Ainsi, la cession ne pouvait porter sur une branche complète d'activité car ces modalités d'usage des bâtiments .ne garantissent pas de manière suffisante, au regard de l'activité agricole conduite, leur libre usage.

Extraits de l'arrêt



6. M. et Mme C...soutiennent qu'ils ont transmis une branche complète d'activité à l'EARL X compte tenu du transfert des bâtiments nécessaires à l'exploitation, à savoir les serres, le local de chaufferie, le local de stockage et un hangar, repris dans leur patrimoine privé. Ils se prévalent d'un bail daté du 8 décembre 2006, conclu avec leur fils Arnaud pour la location pendant neuf ans de ces bâtiments à compter du 1er décembre 2006, prévoyant expressément la mise à disposition des biens loués au profit de l'EARL X, d'une part, et d'une convention de mise à disposition, fondée sur l'article L. 411-37 du code rural alors en vigueur, datée du 1er décembre 2006, par laquelle M. B...C...a mis les bâtiments à disposition de l'EARL X, dont il est l'unique associé, à compter de cette même date.

7. Il résulte de l'instruction que l'EARL C...avait une activité agricole de légumes, de racines et de tubercules. Il résulte de son article 4 que le bail rural du 8 décembre 2006 a été conclu pour une durée de neuf ans, même si celle-ci est reconductible, et non pour une durée de long terme de dix-huit ans et que la durée de convention de mise à disposition suit la durée de ce bail ainsi que cela résulte de ses stipulations relatives aux " Droits et obligation de l'associé locataire ". La convention de mise à disposition prévoit par ailleurs le cas du " Retrait des associés " en cours ou en fin de bail, ce qui est de nature à mettre à sa fin conformément à l'article L. 411-37 du code rural quand bien même l'identité de l'associé locataire et de l'unique associé et gérant de l'EARL X étaient, à la date de sa signature, les mêmes. Ces modalités d'usage des bâtiments d'exploitation de l'EARL C...ne garantissent pas de manière suffisante, au regard de l'activité agricole conduite, pendant la durée de l'exploitation, leur libre usage. C'est donc à bon droit que le service, même s'il ne pouvait se fonder sur la seule absence de la pleine propriété des bâtiments, a estimé que la plus-value ne remplissait pas les conditions prévues par l'article 238 quindecies du code général des impôts tenant à la cession d'une branche complète d'activité.

Cour de cassation du , arrêt n°17NT03689

Commentaire de LégiFiscal

Arrêt intéressant, puisque la Cour administrative d'appel prend le contrepied du Conseil d'Etat (qui avait certes un argumentaire différent).

Ainsi, la Cour regarde la nature de l'activité exercée (une activité agricole dans le cas d'espèce) pour déterminer si les bâtiments non cédés sont mis à disposition dans des conditions normales. La cession d'une branche complète d'activité implique ainsi la faculté, pour le cédant, de poursuivre l'activité dans des conditions identiques ou tout du moins similaires.

On attend de voir si le Conseil d'Etat sera plus libéral sur la question.