Les joueurs de Poker sont imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux

Jurisprudence
Fiscalité Bénéfice imposable

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Contexte de l'affaire

CE 21 juin 2018 n°412124

En vertu des dispositions de l'article 92 du CGI, sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux :

- les bénéfices des professions libérales et des charges et office

- les sources de profit ne relevant d'aucune autre catégorie.

Ainsi cette catégorie permet d'imposer des revenus de sources diverses, comme certains droits d'auteur, les revenus provenant d'activités illégales ou certains gains aux jeux.

Néanmoins, la pratique, même habituelle, de jeux de hasard ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits, au sens de l’article 92, en raison de l’aléa qui pèse sur les perspectives de gains du joueur.

En l'espèce, un contribuable exerçait une activité de joueur de poker. A l'issu d'une vérification de comptabilité, l'administration évalua d'office, les revenus tirés de cette activité, qu'elle regarda comme des bénéfices non commerciaux. Elle appliqua également la pénalité de 80% relative aux activités occultes.

Si les juges du fond déchargèrent l'intéressé de la pénalité de 80%, ils acceptèrent le principe des impositions supplémentaires mises à sa charge.

Le contribuable fit valoir devant le Conseil d'Etat, que les sommes perçues n'étaient pas imposables du fait de l'aléa inhérent à la pratique du Poker.

La Haute juridiction lui donne tort, arguant le fait qu'un joueur expérimenté peut, grâce à sa compétence et l'analyse de la psychologie de ses adversaires, maîtriser le caractère aléatoire du jeu et accroître sa probabilité de percevoir des gains.

En outre, le contribuable avait abandonné son emploi d'ingénieur pour se consacrer à la pratique du poker et figurait parmi les meilleurs joueurs français et ses gains étaient très supérieurs à ses autres revenus.

Extraits de l'arrêt

3. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a relevé, par une appréciation souveraine qui n'est pas entachée de dénaturation, que si le jeu de poker, et plus particulièrement la version de ce jeu dénommé " Texas Hold'em Poker " pratiquée par M.A..., fait intervenir des distributions aléatoires de cartes communes et de cartes propres à chaque joueur, un joueur peut parvenir, grâce à l'expérience, la compétence et l'analyse de la psychologie de ses adversaires, à maîtriser le caractère aléatoire du résultat et à accroître de façon sensible sa probabilité de percevoir des gains importants. D'une part, en déduisant de telles caractéristiques de la pratique du poker que les gains en résultant devaient être regardés comme tirés d'une occupation lucrative ou d'une source de profits constituant des revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, au sens des dispositions de l'article 92 du code général des impôts cité au point 2, la cour n'a pas commis d'erreur de qualification juridique des faits. D'autre part, en se fondant sur la pratique habituelle de ce jeu et le caractère significatif des revenus qui en étaient tirés pour juger que ces gains étaient imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sans se prononcer sur le caractère professionnel de l'activité en cause, la cour n'a pas commis d'erreur de droit. 

4. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a relevé que M. A...avait abandonné, au début de l'année 2010, son emploi d'ingénieur pour se consacrer à la pratique du poker, qu'il avait participé à vingt-quatre compétitions de poker au cours de cette année, qu'il figurait, en 2010, parmi les meilleurs joueurs français et que ses gains au poker étaient largement supérieurs à ses autres revenus au titre de cette même année. En en déduisant que M. A...avait exercé, au cours de l'année 2010, une activité lucrative de joueur de poker, la cour n'a pas, dès lors, commis d'erreur de qualification juridique des faits. A supposer même que la cour ait commis une erreur sur la date à laquelle il a été mis fin à l'activité salariée du requérant au début de l'année 2010, cette erreur, qui au demeurant porte sur un motif surabondant de l'arrêt attaqué, était sans incidence sur l'appréciation par la cour du caractère lucratif de l'activité de joueur de poker du requérant dès lors que cette dernière pouvait s'exercer parallèlement à une activité professionnelle.

Cour de cassation du , arrêt n°412124

Commentaire de LégiFiscal

C'est le caractère habituel de la pratique du poker, le niveau du joueur et l'importance des gains qui guident cette décision, qui souligne que l'aléa inhérent aux jeux de hasard fait ici défaut . Des gains provenant d'une pratique exceptionnelle ne seraient pas imposables dans la catégorie des BNC.

Cette solution pourrait être transposée aux gains des jeux nécessitant une certaine expertise, comme l'e sport notamment.