Contexte de l'affaire
CE 6 juin 2018 n°418863
En vertu des dispositions de l'article 1724 quater du CGI, les personnes qui ne procèdent pas aux vérifications prévues en matière de travail dissimulé ou qui ont été condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé sont tenues solidairement au paiement des impôts, taxes, pénalités et majorations.
En l'espèce, l'administration mit à la charge d'une société des cotisations d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en tant que codébitrice solidaire de la société contrôlée.
La société demanda au Conseil d'Etat si elle pouvait obtenir la communication des documents dont il était fait mention dans l'avis de mise en recouvrement ainsi que tout document utile à la contestation de la régularité de procédure et de l'exigibilité des sommes mises en recouvrement.
Dans un avis, le Conseil d'Etat lui répond positivement. En effet, pour la Haute juridiction, cette communication assure au contribuable la possibilité d'un recours juridictionnel effectif. L'administration est tenue de faire droit à la demande du débiteur, sans exiger de paiement.
En cas de refus de communication des documents, l'administration ne peut mettre en oeuvre la solidarité prévue à l'article 1724 quater du CGI.
Extraits de l'arrêt
5. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration adresse un avis de mise en recouvrement par lequel elle met en oeuvre une solidarité de paiement, telle que celle qui est prévue par l'article 1724 quater du code général des impôts à l'encontre d'une société qui n'a pas procédé aux vérifications prévues à l'article L. 8222-1 du code du travail, elle est tenue de lui adresser un avis de mise en recouvrement individuel qui doit comporter les indications prescrites par l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales. Ces mentions permettent au débiteur solidaire d'obtenir, à sa demande, la communication des documents mentionnés dans cet avis de mise en recouvrement ainsi que de tout document utile à la contestation de la régularité de la procédure, du bien-fondé et de l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations correspondantes au paiement solidaire desquels il est tenu.
6. Cette communication, qui vise à garantir à l'intéressé la possibilité d'un recours juridictionnel effectif, dans le respect de la réserve d'interprétation à laquelle le Conseil constitutionnel a subordonné la conformité à la Constitution du deuxième alinéa de l'article L. 8222-2 du code du travail, a un objet distinct de celui du droit d'accès aux documents administratifs prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. L'administration est par suite tenue de faire droit à la demande du débiteur solidaire, sans pouvoir subordonner la communication des documents sollicités au respect des règles et conditions prévues par ce code, notamment sans pouvoir exiger le paiement de frais.
7. L'administration ne peut pas refuser la communication des documents utiles à la défense du débiteur solidaire lorsqu'ils sont en sa possession, sauf à priver ce dernier d'une garantie au respect de laquelle le Conseil constitutionnel a subordonné la conformité à la Constitution de la disposition législative instituant la solidarité de paiement. Il en découle que le refus de communication est de nature à faire obstacle à la mise en oeuvre des dispositions de l'article 1724 quater du code général des impôts. En revanche, lorsque l'administration fiscale produit en cours d'instance, soit spontanément, soit à la suite d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge de l'impôt, saisi par le débiteur solidaire d'une demande en ce sens, y compris pour la première fois en cause d'appel, les éléments du dossier fiscal nécessaires à sa défense, la circonstance que le service ait initialement refusé de communiquer ces éléments au débiteur solidaire est sans influence sur la possibilité de mettre en oeuvre la solidarité. Dans cette hypothèse, le débiteur solidaire, une fois en possession de ces éléments, peut soulever à l'appui de sa demande en décharge de l'obligation de payer, dans la limite des conclusions de sa demande, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction, tous moyens relatifs à la régularité et au bien fondé des impositions au paiement desquelles il est solidairement tenu.
Commentaire de LégiFiscal
La Haute juridiction souligne que le codébiteur solidaire doit bénéficier des mêmes garanties procédurales que le principal responsable de l'infraction.
Cette solution est logique et saine