Contexte de l'affaire
CAA Nancy 22 février 2018 n°17NC00780
Si la possibilité d'amortir un usufruit temporaire (cas d'un usufruit apporté ou cédé à une société, qui revient au nu propriétaire lors de son terme) est reconnu depuis longtemps et permet de réaliser certains "montages" fiscaux, l'amortissement d'un usufruit viager (prenant fin lors du décès de l'usufruitier) est plus problématique. Il a pourtant une portée pratique non négligeable, notamment dans le cadre de la location meublée (en effet, l'intérêt de celle-ci est la possibilité, pour le bailleur, de déduire des amortissements).
En l'espèce, une femme avait acquis de son époux l'usufruit viager d'un bien immobilier situé à Antibes, loué en meublé. La nue-propriété était quant à elle détenue par une SCI.
La bailleresse déduisit de son résultat imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux une dotation aux amortissements. Celle-ci fut remise en cause par l'administration, qui estimait que l'usufruit viager n'était pas susceptible de faire l'objet d'un amortissement.
La Cour administrative d'appel de Nancy donne raison au contribuable. En effet, pour elle, l'usufruit viager, qui constitue une source de revenus pérenne, a le caractère d'un élément d'actif pouvant être amorti. Il est en outre possible de déterminer la durée prévisible durant laquelle il produira des effets bénéfiques sur l'activité de loueur en meublé.
La durée de l'amortissement peut être déterminée en tenant compte des statistiques INSEE (table de mortalité).
Extraits de l'arrêt
3. Considérant que l'usufruit viager, qui constitue une source de revenus pérenne et qui est cessible, a le caractère d'un élément d'actif pouvant faire l'objet chaque année d'une dotation à un compte d'amortissement ; qu'il est possible de déterminer la durée prévisible durant laquelle l'usufruit viager, dont la valeur est nécessairement dégressive avec l'écoulement du temps, produira des effets bénéfiques sur l'activité de loueur en meublé à titre non professionnel de MmeC..., en tenant compte notamment de l'âge de l'usufruitier et de son espérance de vie lors de son acquisition ; que par suite, l'usufruit viager détenu par Mme C... peut faire l'objet d'une dotation annuelle à un compte d'amortissement, en retenant un taux calculé selon la durée attendue de ses effets bénéfiques sur l'activité de loueur en meublé à titre non professionnel, telle qu'elle est admise par les usages ou justifiée par des circonstances particulières à la situation de la requérante et dont celle-ci doit alors établir la réalité ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'espérance de vie d'une personne peut être statistiquement déterminée en l'espèce à partir des données reposant sur la table de mortalité publiée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ; que cette pratique peut être regardée comme un usage au sens des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, auquel il convient de se référer ; qu'il n'est pas contesté que l'espérance de vie en France métropolitaine des personnes de sexe féminin est estimée par l'Institut national de la statistique et des études économiques, s'agissant de la situation de Mme C..., à une durée de vingt ans, période correspondant à la durée prévisible durant laquelle l'usufruit viager produira des effets bénéfiques sur l'activité de loueur en meublé à titre non professionnel de l'intéressée ; que, dans ces conditions, Mme C...est fondée à soutenir, par ce moyen nouveau en appel, que c'est à tort que l'administration a réintégré dans son résultat imposable au titre de l'année 2011 la somme affectée à l'amortissement de son usufruit viager ;
Commentaire de LégiFiscal
Plusieurs décisions de jurisprudence admettent l'amortissement de l'usufruit viager (TA Strasbourg 14 mars 2017 n°1602812), en se basant sur les tables de mortalité INSEE. L'administration refuse généralement un tel amortissement.
On attend une décision du Conseil d'Etat sur ce sujet.