Contexte de l'affaire
Cass. com. 10 juillet 2018 n°16-26.083
En vertu de l'article 793-2 3°du CGI, les transmissions de biens ruraux donnés à bail à long terme sont partiellement exonérées de droits de mutation à titre gratuit.
Cette exonération est subordonnée à la condition que le bien reste la propriété du donataire, héritier et légataire pendant cinq ans à compter de la date de la transmission.
En l'espèce, deux fils avait acquis au décès de leur mère différents biens agricoles donnés à bail à long terme à une EARL dont les héritiers étaient les seuls associés. L'une des parcelles données à bail ayant été cédées postérieurement au dépôt de la déclaration de succession et avant l’expiration du délai de cinq ans de cette transmission, l'administration remit en cause l'ensemble de l'exonération prévue à l'article 793-2 3° du CGI. L'un des héritiers assigna le directeur des finances publiques afin d'obtenir le dégrèvement d’une partie des droits rappelés et les juges du fond lui donnèrent raison.
La Cour de cassation abonde dans le sens de la Cour d'appel, en considérant que la déchéance du régime d'exonération, encourue en cas de non-respect de la condition de conservation du bien, ne porte que sur les biens cédés et non sur la totalité des biens donnés à bail.
Extraits de l'arrêt
2°/ qu’ il résulte des dispositions de l’article 1842 du code civil
que « les sociétés autres que les sociétés en participation jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation » ; que toute société dotée de la personnalité juridique doit ainsi être distinguée de ses associés qui ont une personnalité différente ; que la personnalité morale accordée à une société permet en effet de la distinguer des autres entités, même de celles qui exercent en son sein un pouvoir de domination ou de contrôle ; que la personnalité morale des sociétés impose dès lors de distinguer les actes des organes sociaux de ceux des actionnaires ; qu’en l’espèce il résulte des constatations opérées par la cour d’appel que la vente a été consentie à l’EARL X... , locataire des biens mais la cour en a pourtant déduit que cette société n’ayant comme seuls associés que les deux héritiers, ceux-ci conservant en réalité les biens à travers leur société. En se prononçant de la sorte, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a dès lors violé les dispositions de l’article 1842 du code civil ;
Mais attendu qu’après avoir rappelé que l’article 793 bis du code général des impôts conditionne le bénéfice de l’exonération partielle prévue à l’article 793-2 3° du même code à la conservation du bien affermé pendant cinq ans, à compter de la date de la transmission à titre gratuit, l’arrêt retient que la déchéance, encourue en cas de non-respect de la condition de conservation du bien, ne porte que sur les biens cédés et non sur la totalité des biens donnés à bail ; qu’ayant constaté que les droits de mutation devenus exigibles après le décès de Colette X... avaient été calculés en considération de l’exonération bénéficiant aux biens ruraux donnés à bail à long terme les 18 mars 1991 et 28 décembre 2001 incluant une parcelle [...] située à [...], laquelle avait été divisée en trois parcelles dont deux avaient été cédées à l’EARL X... , la cour d’appel a exactement retenu, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la seconde branche, que la remise en cause de l’exonération ne devait porter que sur les seules parcelles cédées à l’EARL et non sur toutes celles louées à bail ; que le moyen n’est pas fondé ;
Commentaire de LégiFiscal
Pour l'administration, le bien rural est constitué par l’immeuble affecté à la production ainsi que les bâtiments d’exploitation et ceux destinés à l’habitation de l’exploitant et qui constituent une unité économique ; qu’ainsi l’exonération est liée à la conservation de l’intégrité du bail rural. La Cour de cassation lui donne donne tort en estimant qu'une cession partielle entraîne une remise en cause partielle du dispositif.