Contexte de l'affaire
CE 2 mai 2018 n°408187
Les cessions de titres de sociétés sont soumises au régime des plus-values sur valeur mobilière des particuliers (sauf exceptions. Ainsi, par exemple, les cessions de parts de SCI translucides par un particulier relèvent du régime des plus-values immobilières).
La plus-value ainsi constatée est actuellement soumise à la flat tax (30% prenant en compte les prélèvements sociaux) ou sur option, au barème progressif de l'impôt sur le revenu.
En revanche, l'activité d'intermédiation (cession de titres pour autrui dans le cadre d'une prestation de service) entre dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC).
En l'espèce, une société avait pour activité la production d'énergie électrique d'origine essentiellement éolienne. Son dirigeant et créateur, qui détenait 79 996 des 160 000 actions de cette société non cotée exerça l'option d'achat de 80 000 actions de cette société qui lui avait été consentie par l'actionnaire majoritaire. Ces actions furent ensuite revendues le même jour à un nouvel actionnaire.
L'administration estima que la plus-value résultant de cette cession devait être regardée comme la contrepartie d'une activité d'intermédiation déployée à titre personnel par le contribuable et l'imposa dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Cette analyse fut reprise par la Cour administrative d'appel de Marseille.
Le Conseil d'Etat casse, pour erreur de droit, l'arrêt de la Cour. Ainsi, pour lui, le gain réalisé doit être imposé dans la catégorie des plus-values sur valeur mobilière des particuliers car :
- le cédant avait consenti au nouvel actionnaire une garantie de passif et endossé ainsi le risque de la garantie des titres
- l'ancien actionnaire majoritaire renonçait expressément, au terme d'un protocole d'accord, au pouvoir d'imposer au cédant la revente des titres ou de s'opposer à cette revente,
- le recours à un compte séquestre permettait essentiellement de garantir à l'ancien actionnaire le paiement du prix prévu par le protocole majoré de l'ajustement calculé sur la base du prix de revente.
Extraits de l'arrêt
4. Pour faire droit à l'appel du ministre, qui soutenait que la plus-value réalisée sur la vente des 80 000 actions revendues le 29 novembre 2007 par M. A...devait être imposée sur le fondement de l'article précité, la cour a relevé, en premier lieu, que le protocole d'accord du 30 juillet 2007 par lequel la société X avait consenti à M. A...une option d'achat sur les actions de la société Y qu'elle détenait prévoyait un ajustement de prix égal à 50 % de la plus-value éventuellement réalisée par M. A...en cas de revente de ces actions pour un prix supérieur au prix stipulé, en deuxième lieu, que la somme due par la société Z à M. A...et la somme due par celui-ci à la société X avaient été versées par le biais d'un compte séquestre ouvert au nom de la société X et de M.A..., ce qui avait permis à celui-ci de ne procéder à aucun décaissement, et, enfin, que le requérant avait, quelques jours avant la date du protocole d'accord, engagé un processus de sélection d'un nouvel actionnaire majoritaire et, antérieurement à l'exercice de l'option d'achat, apporté ses 79 995 actions à la société A dont il était l'associé unique et qui avait ultérieurement accordé à la société Z une garantie de passif au titre des actions de la société Y cédées par M.A.... Elle a déduit de l'ensemble de ces constatations que la plus-value réalisée par le requérant correspondait à la rémunération d'une activité d'intermédiation destinée à favoriser la cession des actions détenues par la société X à la société Y et qu'elle devait être imposée comme bénéfice non commercial et non comme gain en capital.
5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, premièrement, aux termes du protocole d'accord du 20 juillet 2007 complété le 30 juillet suivant, la société cédante X renonçait expressément, dès la signature de cet accord, au pouvoir d'imposer à M. A...la revente des titres sur lesquels elle lui accordait une option d'achat ou de s'opposer à cette revente, que, deuxièmement, M.A..., et non la société cédante X, avait accordé à la société Z, par l'intermédiaire de la société A dont il était l'unique associé, une garantie de passif sur les titres revendus et endossé ainsi le risque de la garantie des titres cédés, que, troisièmement, le recours à un compte séquestre permettait essentiellement de garantir à la société X le paiement du prix prévu par le protocole majoré de l'ajustement calculé sur la base du prix de revente, et qu'enfin, ce n'est qu'au début du mois d'octobre 2007 que les offres fermes des cinq candidats à la reprise des titres sélectionnés sur appel d'offres ont été déposées et que le 16 novembre 2007 que le rachat des parts par la société Z a été annoncé, alors que, dès la date de la levée de l'option d'achat le 29 octobre 2007, M. A...était débiteur du prix de cession, quelle qu'ait pu être l'issue du processus de sélection du nouvel actionnaire majoritaire. Il résulte de ce qui précède que, en jugeant que la somme en litige devait être regardée comme la rémunération d'une activité d'intermédiation, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et, par suite, commis une erreur de droit. Dès lors, M. A...est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
Commentaire de LégiFiscal
Cette solution présente aujourd'hui un certain intérêt pratique, considérant le fait que la plus-value est imposée au taux forfaitaire de 30% quelle que soit la durée de détention (ici la durée de détention est nulle car les titres sont immédiatement cédés).
Il faut néanmoins en relativiser la portée, car le Conseil se base sur des éléments de fait très précis.