Droit à déduction de TVA et bien initialement affecté à une activité non soumise à la TVA

Jurisprudence
Fiscalité TVA intracommunautaire

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Contexte de l'affaire

CJUE 25 juillet 2018 C-140/17

La déduction de la TVA supportée à raison de l'acquisition de biens et services est possible :

            • si ceux-ci sont utilisés pour réaliser des opérations soumises à la TVA,

            • s'il existe un un lien direct et immédiat entre l'opération d'amont et une ou plusieurs opérations d'aval,

            • si les biens et services sont affectés aux besoins de l'exploitation.

En l'espèce, une commune polonaise était enregistrée en tant qu'assujettie à la TVA depuis 2006.

Au cours des années 2009 et 2010, elle fit ériger une maison de la culture et des biens et des services lui furent fournis dans le cadre de cette construction, pour lesquels elle acquitta la TVA.

Postérieurement, la commune exprima son intention de transférer cet immeuble dans son patrimoine et d’en assumer directement la gestion. Par la suite, elle souhaita en faire un usage aussi bien à titre gratuit, pour les besoins de la population de la commune, qu’à titre onéreux, en la louant à des fins commerciales. S’agissant de cet usage payant, la commune déclara expressément son intention d’émettre des factures incluant la TVA.

Saisi par la commune d'une demande de rescrit, l'administration polonaise considéra que celle-ci ne pouvait pas bénéficier d'une régularisation du droit à déduction de la TVA, car elle n'avait pas acquis le bien aux fins d'une activité économique et n'avait donc pas agi en qualité d'assujetti.

Saisie sur cette affaire, la Cour suprême de Pologne posa la question suivante à la CJUE : « conformément aux articles 167, 168 et 184 de la directive 2006/112, une commune est-elle en droit de déduire, par voie de régularisation, la TVA payée en amont sur des dépenses d’investissement, lorsque le bien d’investissement en cause a d’abord été utilisé aux fins d’une activité non soumise à la TVA, en l’occurrence dans le cadre de la réalisation de missions qui incombent à la commune en tant qu’autorité publique, et ensuite également pour effectuer des opérations imposables. »

La CJUE répond par l'affirmative. Pour elle, une telle régularisation est possible si l'assujetti a agi en tant qu'assujetti lors de l'acquisition du bien, en vertu de l'article 168 de la directive n°2006/112. Il est indifférent que le bien n’ait pas immédiatement été utilisé pour des opérations taxées.

Extraits de l'arrêt

En conséquence, il convient de répondre aux questions posées que les articles 167, 168 et 184 de la directive 2006/112 ainsi que le principe de neutralité de la TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’un organisme de droit public bénéficie d’un droit à régularisation des déductions de la TVA acquittée sur un bien d’investissement immobilier dans une situation, telle que celle en cause au principal, où, lors de l’acquisition de ce bien, d’une part, ce dernier pouvait par nature être utilisé tant pour des activités taxées que pour celles non taxées mais a été utilisé, dans un premier temps, pour des activités non taxées et, d’autre part, cet organisme public n’avait pas expressément déclaré avoir l’intention d’affecter ledit bien à une activité taxée mais n’avait pas non plus exclu qu’il soit utilisé à une telle fin, pour autant qu’il résulte d’un examen de l’ensemble des circonstances de fait, qu’il incombe à la juridiction nationale d’opérer, qu’il est satisfait à la condition posée par l’article 168 de la directive 2006/112, selon laquelle l’assujetti doit avoir agi en sa qualité d’assujetti au moment où il a procédé à cette acquisition. »

Cour de cassation du , arrêt n°C-140/17

Commentaire de LégiFiscal

Cette personne morale de droit public n'a pu déduire la TVA lors de son changement d'activité que parce qu'elle était assujettie à la TVA lors de l'acquisition du bien. Un non assujetti n'aurait pas eu cette possibilité.

Néanmoins, cet arrêt ouvre certaines possibilités pour les collectivités publiques.