Provisions pour charges et garantie décennale

Jurisprudence

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Contexte de l'affaire

CE 12 octobre 2018 n°404091

Les provisions permettent de déduire des charges qui ne se sont pas encore produites mais demeurant probables.

Elles doivent remplir les conditions suivantes pour être déductible :

  • les pertes et charges justifiant le passage d'une provision doivent être nettement précisées,

  • ces pertes et charges doivent trouver leur origine dans l'exercice en cours,

  • elles doivent être fiscalement déductibles,

  • les provisions doivent être comptabilisées,

  • elles doivent être inscrites sur le relevé spécial des provisions.

La garantie décennale concerne l'ensemble des professionnels du secteur de la construction et vise les dommages compromettant la solidité d'un ouvrage. Sa durée est de 10 ans et elle court à compter de la réception des travaux.

En l'espèce, une agence d'architecte avait déduit de son résultat imposable des provisions relatives à des charges de personnel et de structure engagées pour le suivi des contentieux, que la société estimait être appelée à acquitter en cas de mise en jeu de sa responsabilité décennale.

L'administration remit en cause cette déduction et les juges du fond accordèrent à la société la décharges des impositions supplémentaires.

Pour le Conseil d'Etat, les charges futures induites statistiquement par les contentieux liés à la garantie décennale peuvent faire l'objet de provisions déductibles à compter de l'exercice de la réception des travaux.

Néanmoins, il casse l'arrêt de la Cour administrative d'appel, en considérant que les charges ayant fait l'objet des provisions ne pouvaient être regardées comme probables à la date de constitution de celles-ci, dès lors que, correspondant à l'exécution de contrats de travail déjà signés et à des frais fixes d'agence, leur engagement était indépendant de la survenance de litiges liés à la garantie décennale au cours des exercices suivants.

Commentaires de legifiscal

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts , applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise. Lorsque la nature des charges ou leurs caractéristiques interdisent de procéder autrement, elles peuvent faire l'objet d'une évaluation selon une méthode statistique à la condition que cette évaluation soit faite de manière précise et suffisamment détaillée et qu'elle prenne en compte notamment la probabilité de réalisation du risque liée à l'éloignement dans le temps.

3. La responsabilité décennale d'un constructeur peut être mise en jeu, au titre d'un chantier, à compter de la réception, partielle ou totale, de l'ouvrage. Dès lors, les charges futures induites statistiquement par les contentieux liés à la garantie décennale peuvent faire l'objet de provisions déductibles à compter de l'exercice de la réception des travaux, cette dernière constituant l'événement de nature à la rendre probable au sens des dispositions citées au point 2 ci-dessus. Cependant, il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les charges de personnel et de structure faisant l'objet des provisions en litige ne pouvaient être regardées comme probables à la date de constitution de ces provisions, dès lors que, correspondant à l'exécution de contrats de travail déjà signés et à des frais fixes d'agence, leur engagement était indépendant de la survenance de litiges liés à la garantie décennale au cours des exercices suivants. Par suite, en jugeant que les provisions dites " pour services après travaux " étaient déductibles des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés et à la contribution assise sur l'impôt sur les sociétés fixées à la société X au titre des exercices 2008, 2009 et 2010, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit.

Cour de cassation du , arrêt n°404091

Commentaire de LégiFiscal

Le Conseil d'Etat se fait ici juge des faits. Il accepte en revanche le principe de déduction des provisions afférentes à la mise en jeu de la garantie décennale.