Contexte de l'affaire
CAA Douai 9 octobre 2018 16DA02282
La qualification de marchand de biens a des conséquences fiscales très importantes. Ainsi, notamment, ce professionnel de l'immobilier est imposé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux sur les ventes d'immeubles et non selon le régime des plus-values immobilières des particuliers (il ne peut donc bénéficier des abattements pour durée de détention).
Il peut en outre être soumis à la TVA sur ses opérations.
Un marchand de biens achète habituellement en son nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou des parts de sociétés civiles immobilières.
Cette qualification répond à deux critères cumulatifs :
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le caractère habituel des opérations,
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l'intention spéculative.
Plusieurs critères sont pris en compte pour apprécier le caractère habituel de l'activité :
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la fréquence des opérations,
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la brièveté entre l'achat et la revente,
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l'importance des gains réalisés.
En outre, une intention spéculative doit être relevée. Ainsi, l'immeuble doit avoir été acheté dans l'intention d'être revendu.
L'intention spéculative est caractérisée par un faisceau d'indices par le Conseil d'Etat :
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importance des profits,
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délai bref séparant les acquisitions,
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nombre des opérations,
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délai entre l'achat et la revente,
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souscriptions d'emprunt à court terme,
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immeubles non occupés ou loués à titre précaire, profession exercée par le vendeur ou l'acquéreur,
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situation géographique des immeubles.
Ainsi, c'est au cas par cas, en fonction des éléments de fait, qu'un contribuable est ou non qualifié de marchand de biens.
En l'espèce, des époux avaient fait l'acquisition d'un terrain de 26.130 m² en 2005 . A la suite de la division de cette parcelle, ils procédèrent à la cession de 7 terrains à bâtir entre le 31 août 2006 et le 27 novembre 2010.
Ils firent l'objet d'un contrôle fiscal, à l'issu duquel l'administration considéra qu'ils avaient exercé une activité occulte de marchands de biens, ce qui entraîna des rehaussements de TVA et d'IR, assortis d'une pénalité de 80%.
Les époux soutenaient devant le juge qu’ils n’avaient aucune intention spéculative à la date de l’acquisition du terrain, qui n'était alors pas constructible (il l'est devenu par la suite).
Cet argumentaire est rejeté par la Cour administrative d'appel de Douai, qui considère que si l'intention spéculative doit s'apprécier à la date de son acquisition, des éléments postérieurs, tels que la brièveté du délai entre l'achat et la revente ou le montant des profits réalisés, peuvent néanmoins être pris en compte pour apprécier la réalité de cette intention au moment de l'acquisition.
Or en l'espèce, les époux firent procéder par un géomètre expert, peu de temps après l'acquisition, à la division de la parcelle en lots et déposèrent, quelques mois après, une demande d'autorisation de lotir. La vente du premier terrain à bâtir intervint moins de onze mois après l'acquisition de la parcelle et les six autres cessions furent ensuite étalées sur une période inférieure à quatre ans.
Extraits de l'arrêt
4. Par ailleurs, si l'intention spéculative attachée à l'achat de cet immeuble doit s'apprécier à la date de son acquisition, des éléments postérieurs, tels que la brièveté du délai entre l'achat et la revente ou le montant des profits réalisés, peuvent néanmoins être pris en compte pour apprécier la réalité de cette intention au moment de l'acquisition. En l'espèce, les époux A...soutiennent qu'ils n'avaient aucune intention spéculative à la date d'acquisition du terrain dès lors que celui-ci n'était alors pas constructible et qu'il ne l'est devenu qu'après l'adoption d'une carte communale, le 18 décembre 2007. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'alors même que la carte communale de la commune de Saint-Michel-sur-Ternoise n'a été adoptée que le 18 décembre 2007, les acquéreurs de plusieurs lots ont obtenu, les 13 juin 2006, 17 juillet 2006 et 23 janvier 2007, des permis de construire délivrés par le maire de la commune. Il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction que la procédure d'élaboration de la carte communale n'était pas en cours à la date d'acquisition du terrain par les épouxA.à leur charge, ainsi que des pénalités y afférentes Ainsi, dans ces conditions, l'absence de constructibilité d'une partie du terrain au moment de l'acquisition, attestée par le maire de la commune, n'est pas de nature à établir l'absence d'intention spéculative de la part des épouxA..., lesquels, au demeurant n'indiquent nullement dans quelle intention, autre que spéculative, ils auraient acquis un terrain de plus de 26 000 m². En outre, alors que l'acquisition est intervenue le 29 octobre 2005, les époux A...ont fait procéder, dès le 12 mai 2006, par un géomètre expert, à la division de la parcelle en lots et ont déposé, dès le 11 juillet suivant, une demande d'autorisation de lotir. La vente du premier terrain à bâtir est intervenue moins de onze mois après l'acquisition de la parcelle et les six autres cessions se sont ensuite étalées sur une période inférieure à quatre ans. Par suite, compte tenu du bref délai dans lequel les requérants ont fait procédé à la division de la parcelle en lots et du bref délai entre l'achat et la revente du premier lot, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que l'intention spéculative des requérants à la date d'acquisition du terrain était caractérisée alors même que, par ailleurs, ils n'auraient participé que très partiellement au coût de branchement des réseaux.
Commentaire de LégiFiscal
Solution sévère de la Cour, qui revient sur la règle disposant que l'intention spéculative doit être appréciée au moment de l'achat. Des éléments postérieurs peuvent donc être pris en considération et la présomption d'intention spéculative refait surface.
On attend la réponse du Conseil d'Etat.