Contexte de l'affaire
CAA Bordeaux 25 octobre 2018 n°16BX02726
Le CIR (crédit d'impôt recherche) bénéficie aux entreprises, soumises à l'IR ou à l'IS et réalisant des opérations de recherche et développement.
Son taux est de 30% et son assiette est composée des dépenses suivantes :
- les amortissements des immobilisations affectées à la réalisation d'opérations de recherche,
- les primes et cotisations afférentes aux contrats d'assurance de protection juridique afférents aux litiges portant sur un brevet ou un certificat d’obtention végétale (COV),
- les dépenses de participation aux réunions officielles de normalisation,
- les dépenses de sous traitance, les dotations aux amortissements,
- les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche,
- les dépenses de jeunes docteurs, les dépenses de fonctionnement, fixées forfaitairement à 75% des dotations aux amortissements, 50% des dépenses de personnel et 200% des dépenses de jeunes docteurs,
- la prise de maintenances des brevets et des COV,
- les dépenses de veille technologique,
- les dépenses de défense des brevets et des COV.
En l'espèce, une société, qui exerçait une activité de recherche et développement industriel de systèmes d'émission et de transmission hertzienne à usages civils et militaires, fit l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration remit en cause partiellement les crédits d'impôt recherche qui lui avaient été attribués.
Ainsi, l'administration remit en cause la prise en compte, pour le calcul du CIR, des redevances versées par la société en contrepartie de l'obtention de licences d'exploitation de logiciels au motif que celles-ci constituent des charges d'exploitation et non des amortissements.
La Cour administrative d'appel donne raison à l'administration. En effet, elle relève que le contrat de licence, qui n'a pas transféré à la société la propriété des logiciels, ne lui a pas davantage conféré un droit de contrôle sur ceux-ci mais uniquement un simple droit d'usage, consenti pour une durée d'un an renouvelable. Ainsi, la concession des licences d'exploitation des logiciels en cause ne saurait être regardée comme ayant constitué une source régulière de profits et comme un élément d'actif cessible et pérenne. Les dépenses ne peuvent donc être inscrites en tant qu'immobilisations et ouvrir droit au CIR.
Extraits de l'arrêt
4. Il résulte de l'instruction que la société X a comptabilisé en tant qu'immobilisations incorporelles et a amorti sur une période de douze mois, au titre de l'année 2011, des redevances d'un montant de 7 016 737 euros versées à la société Y en vertu d'une convention du 7 janvier 2009, en contrepartie de l'obtention de licences d'exploitation de logiciels destinés à concevoir des circuits imprimés de puces électroniques. Pour refuser d'admettre l'éligibilité de ces dépenses au crédit d'impôt recherche, l'administration a opposé à la société la circonstance qu'elles correspondaient à des charges d'exploitation et non à des éléments incorporels de l'actif immobilisé susceptibles de dotations aux amortissements.
5. La société requérante fait valoir que les logiciels et licences mis à sa disposition par la Y ont une valeur économique positive susceptible d'une évaluation fiable, qu'elle assure la maîtrise des avantages résultant de leur exploitation, et que leur utilisation est durable et excède le seul exercice d'acquisition. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des termes de la convention conclue par la requérante le 7 janvier 2009 avec la société Y, éclairés par les déclarations de cette dernière, et corroborés par les factures d'achat établies auprès de celle-ci pour le renouvellement annuel des droits, que ce contrat, qui n'a pas transféré à la société X la propriété des logiciels, ne lui a pas davantage conféré un droit de contrôle sur ceux-ci mais uniquement la licence d'une suite logicielle, c'est-à-dire un simple droit d'usage de ces logiciels. Alors même qu'aucune durée ne figure dans la convention, il apparaît que ce droit d'usage n'était consenti que pour une durée d'un an renouvelable, ainsi qu'en atteste l'acquittement par la société X de factures annuelles de renouvellement. Enfin, si le contrat prévoyait une possibilité de cession des droits acquis, celle-ci était réduite à quelques situations limitativement énumérées et subordonnée, en toute hypothèse, à l'accord préalable de la société Y. Dans ces conditions, la concession des licences d'exploitation des logiciels en cause ne saurait être regardée comme ayant constitué pour la société X une source régulière de profits et comme un élément d'actif cessible et pérenne. C'est par suite à bon droit que l'administration, qui n'est pas liée par les rapports des experts mandatés par le ministre chargé de la recherche et dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait pu estimer l'inverse, a considéré que les dépenses correspondantes ne pouvaient faire l'objet d'une inscription en tant qu'immobilisations incorporelles dans la comptabilité de la société, et que les dotations aux amortissements pratiquées n'étaient par conséquent pas susceptibles de lui ouvrir droit au bénéfice du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2011. La requérante ne peut utilement se prévaloir à cet égard ni du caractère effectif des contreparties aux redevances payées à la société Y, ni de l'intérêt technique ou financier résultant pour elle de l'usage des suites logicielles faisant l'objet de la convention du 7 janvier 2009.
Commentaire de LégiFiscal
Ici l'administration a remis en cause la comptabilisation des redevances, qui furent initialement passées en amortissements.
C'est ce changement de qualification qui a exclu les dépenses litigieuses de l'assiette du CIR et cet arrêt porte d'avantage sur la définition donnée aux amortissements que sur le champ d'application du crédit d'impôt, cette dernière question étant incidente.
La cessibilité restreinte des droits et leur durée limitée ont motivés cette solution.